INTRODUCTION
Le virus, lors de sa réplication, génère une variabilité génétique plus ou moins importante. Il peut naturellement être résistant ou acquérir des résistances. Un virus a une barrière génétique faible à un antiviral, lorsqu’une mutation suffit à conférer la résistance. Au contraire, lorsqu’un virus doit accumuler plusieurs mutations, la barrière génétique est dite élevée. Pour de nombreux virus, il faut aussi prendre en compte la population virale présente chez le patient infecté ou quasi- espèce (différents variants viraux). Le traitement d’une infection virale par un antiviral peut donc conduire à la sélection d’un virus résistant (préexistant au traitement antiviral) (figure IV.4.1). Ainsi, l’efficacité d’un traitement antiviral peut dépendre de la prévalence et de l’incidence des mutations associées à la résistance dans la quasi-espèce. Les traitements aux longs cours favorisent l’émergence de virus mutants présentant une diminution de sensibilité ou une résistance au traitement antiviral.
La recherche de résistance aux antiviraux n’est actuellement pas systématique, à l’exception de l’infection par le HIV. Elle est réalisée par des laboratoires de virologie spécialisée. Les antiviraux actuels sont tous virostatiques (inhibition de la réplication virale) et sont donc inactifs sur les virus latents (résistance naturelle des virus ne se réplicant pas). Plusieurs mécanismes sont impliqués dans la résistance des virus aux antiviraux d’actions directes. Les deux principaux sont :
▶ Absence de formation de l’antiviral actif (prodrogue d’antiviraux). Les analogues nucléosidiques doivent être triphosphorylés pour être actifs (reconnaissance par les polymérases virales). Certaines protéines virales ont une activité thymidine kinase qui assure la première phosphorylation de l’analogue (aciclovir et HSV, ganciclovir et CMV). Des substitutions d’acides aminés peuvent modifier la spécificité et le niveau d’activité de ces enzymes virales et conduire à une résistance.
▶ Modification de la cible avec perte d’affinité pour le médicament. Les mutations survenant sur les enzymes virales impliquées dans la réplication et ciblées par les antiviraux sont responsables de la résistance. Cela concerne en particulier les polymérases/transcriptases, les intégrases, les protéases et les neuraminidases virales. L’interaction du site catalytique avec le médicament est réduite ou absente et l’enzyme peut interagir avec son substrat habituel (cas des analogues nucléosidiques (INTI), des inhibiteurs de protéase (IP), de l’intégration (II) ou de la libération). Le site catalytique de l’enzyme peut ne plus être fonctionnel par modification de sa conformation (cas des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse ou INNTI).
La résistance aux antiviraux indirects (interférons) est plus complexe.
La résistance aux antiviraux émerge systématiquement en cas de réplication virale persistante en présence d’antiviral, ce n’est qu’une question de temps. En effet, la réplication virale génère des variants (virus mutants) dont certains peuvent avoir une sensibilité diminuée à l’antiviral. Dans ce contexte, ces virus étant avantagés par rapport aux autres (sensibles), ils vont se répliquer plus facilement jusqu’à devenir progressivement majoritaires dans la quasi-espèce. Ils vont pouvoir également accumuler des mutations et optimiser leur réplication (capacité réplicative ou fitness) dans ce microenvironnement contenant l’antiviral.
La variabilité génétique virale conditionne fortement la vitesse d’émergence des mutations. Elle dépend de la nature du génome (ADN/ARN) et des enzymes le réplicant (ARN/ ADN polymérase, matrice ADN/ARN, activité correctrice ou pas), de la cinétique de réplication virale (intensité, durée), et de l’épidémiologie de l’infection (aiguë/chronique, tropisme, réservoir). L’utilisation de traitements antiviraux puissants permet de bloquer la réplication virale et donc la génération des variants, ce qui favorise une efficacité sur le long terme. Selon les antiviraux, une seule mutation (faible barrière génétique) ou plusieurs mutations (forte barrière génétique) seront nécessaires pour que le virus devienne résistant. Cela conditionne également la vitesse d’émergence des virus résistants.