Treponema pallidum

Treponema pallidum subsp. pallidum est l’agent de la syphilis vénérienne (infection sexuellement transmissible [IST]).

CARACTÉRISTIQUES BACTÉRIOLOGIQUES

TAXONOMIE

Ordre des Spirochétales, famille des Spirochaetaceae, genre Treponema, espèce pallidum subsp. pallidum.

MORPHOLOGIE, CARACTÈRES CULTURAUX ET D’IDENTIFICATION

Bacille de forme spiralée et mobile. Cette bactérie est non colorable par la coloration de Gram, et non cultivable in vitro sur les milieux de culture acellulaires.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

La syphilis est une IST de répartition mondiale.
Une recrudescence de la syphilis est observée depuis les années 2000 en France. Elle avait pratiquement disparu de l’hexagone. On estime à 10 000 à 20 000 nouveaux cas par an en France, même si une stabilisation semble être observée.
Chaque année, le diagnostic des nouveaux cas de syphilis récente est principalement réalisé chez des patients homosexuels masculins (HSH, 80 % en 2019).

PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES

HABITAT

Bactérie strictement humaine, non immunisante.

PHYSIOPATHOLOGIE

La syphilis est une maladie strictement humaine à transmission principalement vénérienne (à partir des lésions génitales, cutanées et muqueuses), mais aussi potentiellement congénitale (transmission transplacentaire à partir du 4e mois de grossesse) ou transfusionnelle (exceptionnelle).
À partir du chancre d’inoculation correspondant à la zone de pénétration de la bactérie, celle-ci diffuse dans l’organisme. Dans la syphilis congénitale survenant chez une femme enceinte syphilitique, le passage transplacentaire est possible à partir du 4e mois de grossesse.

MANIFESTATIONS CLINIQUES

Après une période d’incubation moyenne de 3 semaines (10 à 90 jours) (figure II.19.1), les premières manifestations cliniques apparaissent, constituées de phases successives lorsque la maladie n’est pas traitée.
L’évolution « naturelle » de la maladie en dehors du traitement alterne des phases symptomatiques qui régressent spontanément (syphilis primaire, secondaire, tertiaire) et des phases asymptomatiques (syphilis latente) (figure II.19.1).
Par ailleurs, si l’évolution de la maladie date de moins d’un an, on parle de syphilis précoce (contagieuse) ; au-delà d’un an ou si elle ne peut être datée, l’infection est dite tardive (figure II.19.1, tableau II.19.1).
La phase primaire correspond au chancre d’inoculation et se manifeste par une ulcération génitale le plus souvent (figure II.19.2a et tableau II.19.1). Cette lésion guérira si le diagnostic est posé à ce stade ou régressera spontanément en 4 à 6 semaines même en l’absence de traitement. Ces lésions initiales sont extrêmement contagieuses.
En l’absence de diagnostic et de traitement, les lésions de syphilis secondaire apparaissent ensuite et se manifestent notamment par des atteintes cutanées sous forme de roséole syphilitique avec une atteinte du tronc et palmo-plantaire (figure II.19.2b et tableau II.19.1).
La syphilis congénitale conduit à une atteinte systémique du foetus responsable de mort foetale in utero (40 %) ou de manifestations cliniques qui associent des manifestations cutanéo-muqueuses et des manifestations viscérales (hépatosplénomégalie, fièvre, lésions osseuses, arthrites, néphrites, rhinites, etc.). On distingue la syphilis congénitale précoce (< 2 ans) et tardive (> 2 ans).

Tableau II.19.1 Principales caractéristiques cliniques des atteintes syphilitiques.

Figure II.19.1 Évolution naturelle de la syphilis.
Figure II.19.2 Ulcération génitale correspondant à une syphilis. La lésion est en général unique à base indurée et indolore (A; Source : DermNetNZ.org). Forme palmaire de syphilis secondaire (B).

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de la syphilis est avant tout un diagnostic sérologique.

DIAGNOSTIC DIRECT

L’examen direct entre lame et lamelle, à l’aide d’un microscope à fond noir, de la sérosité recueillie au niveau du chancre n’est pratiquement plus pratiqué. Il permet de visualiser les tréponèmes mobiles avec des spires régulières.
Une PCR spécifique peut être effectuée sur les lésions cutanées ou muqueuses de la phase primaire ou secondaire, ou sur des prélèvements périnataux lors de syphilis congénitale.

DIAGNOSTIC INDIRECT

Le diagnostic sérologique est la méthode diagnostique de référence. La sérologie syphilis est prescrite dans deux grandes situations ; en présence de signes cliniques de syphilis ou dans une situation de dépistage (cf. prévention).
Deux types de tests vont se positiver dans les jours suivants l’apparition du chancre, en général 8 à 10 jours après.
Depuis 2018, les recommandations ont changé et la stratégie basée sur la réalisation obligatoire de 2 tests, l’un spécifique (réaction d’hémagglutination ou TPHA), et l’autre non spécifique (non tréponémique), n’est plus recommandée.
Dorénavant, le test tréponémique (TT) est effectué dans un premier temps. En cas de positivité, un test non tréponémique est effectué dans un second temps.
▶ Un test tréponémique (TT) de dépistage des Ig totales par des méthodes de type EIA (Enzyme Immuno Assay) automatisées (ex. CMIA [Chemoluminescent Microparticle Immuno Assay]) est effectué en première intention (figure II.19.3).
▶ Un test non tréponémique (TNT) (VDRL = Veneral Disease Research Laboratory ou RPR = Rapid Plasma Reagine) est effectué en cas de TT positif. Le résultat du test est rendu sous forme d’un titre correspondant à la dernière dilution donnant une agglutination (dilution de raison 2, soit pur, ., ., 1/8, 1/16, 1/32…). Les anticorps mis en évidence par le TNT évoluent sous traitement et sont utiles pour le suivi de l’efficacité du traitement (diminution du titre de 4 fois sur deux sérums testés en parallèle = guérison). Une réascension des anticorps témoignera d’une réinfection.
En cas de syphilis congénitale : recherche d’IgM par EIA et immuno-empreinte (immunoblot ou western blot) dans le sang et TNT sur le LCR.
Remarque : des réactions croisées sont possibles avec des tréponématoses non vénériennes endémiques (pian, bejel…) correspondant à des atteintes cutanéo-muqueuses présentes en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient.
La stratégie du diagnostic sérologique d’une syphilis est présentée dans la figure II.19.3. Les modalités d’interprétation des résultats des tests sont résumées dans le tableau II.19.2 ci-dessous :
Le diagnostic biologique d’une neurosyphilis repose sur :
▶ Dans le sang :
▪ une sérologie (TT et/ou TNT) positive, sachant que les titres peuvent être faibles ;
▶ dans le LCR :
▪ une hypercellularité (à prédominance lymphocytaire ou monocytaire) supérieure à 5/mm3 ;
▪ un TNT VDRL positif (mais un résultat négatif n’exclut pas le diagnostic) ;
▪ une PCR positive.

Tableau II.19.2 Interprétation des tests sérologiques.

TRAITEMENT

Le traitement repose sur l’administration de benzathine benzylpénicilline (Extencilline®) par voie intramusculaire.
Syphilis précoce (< 1 an) : benzathine benzylpénicilline, 1 injection intramusculaire unique. En cas d’allergie, doxycycline per os (pendant 14 jours).
Syphilis tardive (> 1 an) : benzathine benzylpénicilline, 3 injections intramusculaires à 1 semaine d’intervalle. En cas d’allergie, doxycycline per os (pendant 28 jours).
Neurosyphilis : pénicilline G, IV pendant 14 jours.
Syphilis au cours de la grossesse : 2 à 3 injections intramusculaires à 1 semaine d’intervalle.

Figure II.19.3 Stratégie du diagnostic sérologique de la syphilis.

PRÉVENTION

▶ Protection lors des rapports sexuels (préservatifs).
▶ Dépistage systématique et traitement précoce du/des partenaire( s) infecté(s).

Dépistage réglementaire (sérologie obligatoire) :
▶ les femmes enceintes (à la déclaration de grossesse soit au 1er trimestre ; à répéter après 28 SA si patiente à risque de ré-infection) ;
▶ les donneurs de produits sanguins ;
▶ les donneurs d’organes.

Dépistage des sujets à haut risque d’être infectés, ayant une conduite à risque (dépistage recommandé) :
▶ les patients ayant une IST ;
▶ les personnes infectées par le HIV ;
▶ les personnes sous PrEP (thérapie anti-HIV pré-exposition) ;
▶ les personnes ayant une hépatite B active ou C ;
▶ les personnes HSH ;
▶ les travailleurs du sexe ;
▶ les patients consultant dans un CeGIDD.