Infections du système nerveux central

DÉFINITION

Méningite : inflammation des méninges, le plus souvent d’origine infectieuse (virale ou bactérienne) lorsqu’elle survient sur un mode aigu (figure I.1.1B).

Encéphalite : inflammation de l’encéphale pouvant être associée à une méningite définissant alors une méningo-encéphalite (figure 1.1.1).

Myélite : inflammation de la moelle épinière (figure 1.1.1A). Le liquide céphalo-rachidien (LCR) également appelé liquide cérébro-spinal (LCS) est le 3e milieu intérieur de l’organisme.

Figure I.1.1 Encéphale et moelle épinière (A), méninges (B).

ÉLÉMENTS DE PHYSIOPATHOLOGIE

Le cerveau et l’espace extracellulaire du système nerveux central (SNC) sont séparés de la circulation sanguine par la barrière hémato-encéphalique (BHE) dont l’élément essentiel est l’endothélium. Celui-ci est très jointif au niveau des capillaires cérébraux et rend la BHE particulièrement difficile à franchir et imperméable à un grand nombre de molécules.
Selon l’agent infectieux, l’atteinte du SNC se fera par :
▶ franchissement de la BHE ou des plexus choroïdes à l’occasion d’une bactériémie ou virémie (cas le plus fréquent) ;
▶ propagation par contiguïté à partir d’un foyer infectieux ORL ;
▶ suite à une intervention neurochirurgicale, à la pose d’une dérivation ventriculaire externe…, ou à un traumatisme crânien (brèche ostéoméningée), les barrières naturelles étant rompues certaines bactéries peuvent envahir les méninges. Le terme de méningites secondaires est alors employé. Selon les circonstances, ce ne sont pas les mêmes bactéries qui sont retrouvées (tableau I.1.1) ;
▶ transport neuronal trans-synaptique après une infection virale muqueuse.
Le mécanisme physiopathologique d’une encéphalite virale peut être direct avec la multiplication des virus dans les cellules nerveuses provoquant une nécrose d’origine immunologique avec inflammation intense et démyélinisation.
En cas de méningite bactérienne, l’infection déclenche une réaction inflammatoire délétère pour le parenchyme cérébral avec risque de séquelles neurologiques, d’hypoacousie, voire de décès.

Tableau I.1.1 Principaux agents infectieux bactériens et viraux responsables de méningite, encéphalite, méningoencéphalite et myélite.

EXPRESSION CLINIQUE DES INFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX

Une méningite se caractérise par l’association inconstante de la triade céphalées, vomissements (classiquement en jet) et raideur méningée (patient « en chien de fusil ») associée à un syndrome infectieux marqué par de la fièvre (fièvre d’intensité variable selon le pathogène). La raideur de la nuque peut être mise en évidence par le signe de Kernig et le signe de Brudzinski. Des troubles de la conscience, une photophobie, une hydrophobie, une hyperesthésie cutanée peuvent être associées. Le tracé de l’électroencéphalogramme est normal.
Une encéphalite (isolée ou le plus souvent associée à des signes de méningite) fait apparaître une ou plusieurs des manifestations suivantes : troubles de la conscience (jusqu’au coma), convulsions, troubles du comportement, déficits moteurs, aphasie, tremblements, crises épileptiques, obnubilation. Le tracé de l’électroencéphalogramme est anormal. Une rhombencéphalite (atteinte du tronc cérébral) se caractérise le plus souvent par une ophtalmoplégie (ou paralysie oculomotrice signant une atteinte des nerfs crâniens), une diplopie, une ataxie, un déficit moteur (des troubles de la marche) et des troubles de la conscience.
Des signes cliniques, associés à certaines bactéries ou virus, peuvent être présents : purpura fulminans (signe de gravité) particulièrement évocateur d’infection à méningocoque, éruption ± myalgies pour certains entérovirus (échovirus), éruption génitale pour la primo-infection par le virus de l’herpès simplex (HSV) de type 2.

PRINCIPAUX AGENTS INFECTIEUX

Les principaux agents infectieux responsables d’atteinte du SNC vont différer selon l’âge et les circonstances de survenue de l’infection (infection primitive ou communautaire, ou infection secondaire à un traumatisme, ou en lien avec les soins), du terrain (immunodépression…), de la notion de voyage… Les bactéries et virus cités dans le tableau I.1.1 sont principalement responsables d’infections communautaires (tableau I.1.1).

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE D’UNE INFECTION DU SYSTÈME NERVEUX

Le diagnostic biologique d’une infection du système nerveux repose sur l’analyse macroscopique, cytologique, biochimique et microbiologique du LCR. Une ponction lombaire (PL) au niveau des vertèbres L4-L5, dans le cul-de-sac dural, permet de prélever 2–5 mL de LCR. Sauf contre-indication, elle doit être réalisée en urgence, avant de débuter un traitement anti-infectieux, et dans des conditions strictes d’asepsie. En cas de méningite, on note une pléiocytose (> 5 globules blancs/mm3) et une hyperprotéinorachie (> 0,3 g/L) dans le LCR, témoins de la réaction inflammatoire locale. La formule leucocytaire du LCR permet de distinguer différents tableaux (tableau I.1.2).
Autres analyses essentielles dans le LCR :
▶ coloration de Gram après cytocentrifugation ;
▶ culture sur gélose au sang cuit dite « chocolat » enrichie en facteurs polyvitaminiques (± gélose au sang). Utilisation d’un bouillon d’enrichissement. Identification bactérienne (spectrométrie de masse), antibiogramme (CMI bêta-lactamines), ± sérotypage à partir des colonies selon les bactéries identifiées ;
▶ détection d’antigène de pneumocoque dans le LCR si contexte fortement évocateur ;
▶ PCR spécifique ou syndromique en cas de culture négative et si forte suspicion ;
▶ si suspicion de neurosyphilis, détection d’anticorps ;
▶ si suspicion de cryptococcose, recherche d’antigène cryptococcique, immunochromatographie, examen direct à l’encre de Chine et culture.
Autres examens :
▶ hémocultures (au moins une paire) systématiquement réalisées, avant toute antibiothérapie ;
▶ hémogramme (hyperleucocytose à PNN en cas de méningite bactérienne) ;
▶ dosage de procalcitonine (PCT) sanguine (élévation dans les méningites bactériennes) ;
▶ bilan de coagulation si purpura ;
▶ scanner cérébral : en urgence si contre-indication neurologique à la PL ou dans un second temps pour rechercher une brèche ostéoméningée ou une complication.

Tableau I.1.2 Principales caractéristiques du LCR pour orienter vers une infection bactérienne ou virale.

STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES (INDICATIONS ET OBJECTIFS DE TRAITEMENT)

Antibiothérapie pour les méningites bactériennes aiguës communautaires :
▶ doit être administrée en urgence (idéalement dans l’heure qui suit l’arrivée à l’hôpital) ;
▶ après la PL (sauf si PL contre-indiquée, purpura fulminans ou prise en charge hospitalière impossible dans les 90 minutes) ;
▶ après prélèvement d’une paire d’hémocultures ;
▶ sans attendre les résultats de l’examen direct (ED) ou de la Polymerase Chain Reaction (PCR), si le liquide céphalo-rachidien (LCR) est trouble ou si purpura ;
▶ associée à une corticothérapie IV (dexaméthasone) débutée immédiatement avant ou de façon concomitante, sauf si suspicion de listériose ou immunodépression ;
▶ l’antibiothérapie probabiliste est basée sur l’utilisation d’une céphalosporine de 3e génération injectable (céfotaxime ou ceftriaxone) éventuellement associée à l’amoxicilline si suspicion de listériose. Un aminoside est souvent ajouté au début de la prise en charge ;
▶ l’antibiothérapie spécifique tiendra compte du résultat de l’ED, de la culture, de l’antibiogramme et/ou des tests moléculaires. La durée dépendra de la bactérie impliquée et de l’évolution clinique (cf. chapitres spécifiques).
Prise en charge des infections virales :
▶ surtout symptomatique (antalgiques, antipyrétiques) ;
▶ après prélèvement, traitement par aciclovir IV jusqu’au résultat de la PCR, si arguments pour méningo-encéphalite à HSV.

PRÉVENTION DES INFECTIONS MÉNINGÉES

Dépistage des femmes enceintes pour la prévention des méningites néonatales :
▶ prélèvement vaginal à 34–38 semaines d’aménorrhée (SA) pour dépister un portage de S. agalactiae (antibioprophylaxie per-partum en cas de dépistage positif) ;
▶ sérologies HIV et syphilis (prise en charge adaptée pour éviter la transmission en cas de positivité) ;
▶ selon le contexte clinique :
▪ prélèvement de lésions génitales (HSV), si antécédent d’infection chez mère ou père ;
▪ hémocultures en cas de fièvre maternelle (Listeria).
Antibioprophylaxie :
▶ chez sujets contacts, en cas de méningite à méningocoque (rifampicine).
Vaccination :
▶ obligatoire chez le nourrisson : N. meningitidis sérotype C, S. pneumoniae, H. influenzae sérotype b, poliovirus et oreillons* ;
▶ enfants à risque : M. tuberculosis.
Hygiène alimentaire (Listeria).
Déclaration obligatoire à l’ARS (méningocoque, Listeria).

Points Clés
● Les infections virales du SNC à entérovirus sont fréquentes et peu graves.
● Les infections bactériennes du SNC sont plus rares que les infections virales mais sont graves.
● La prise en charge des infections du SNC constitue une urgence médicale.
● La prise en charge au laboratoire des LCR est urgente.