Haemophilus influenzae

Haemophilus influenzae est responsable d’infections communautaires de la sphère ORL et de surinfections broncho-pulmonaires, mais aussi plus rarement d’infections invasives : méningites, épiglottites, bactériémies.

CARACTÉRISTIQUES BACTÉRIOLOGIQUES

TAXONOMIE

Famille des Pasteurellaceae, genre Haemophilus.

MORPHOLOGIE, CARACTÈRES CULTURAUX ET D’IDENTIFICATION

Bacilles à Gram négatif (figure II.5.1), polymorphisme observé (coccobacilles ou formes plus allongées).
H. influenzae est une bactérie exigeante, aérobie-anaérobie facultative.
Sa culture nécessite un milieu enrichi en facteurs de croissance : gélose chocolat (au sang cuit), additionnée d’un supplément polyvitaminique, apport des facteurs X (hémine) et V (NAD), incubée en atmosphère enrichie à 5 % de CO2.

Figure II.5.1 Coloration de Gram de H. influenzae à partir d’une culture.

FACTEURS DE VIRULENCE

Les principaux facteurs de virulence sont :
▶ pour les souches capsulées, une capsule polysaccharidique conférant une résistance à la phagocytose et à l’action du complément. La présence de cette capsule définit différents sérotypes (souches typables) de a à f. Le sérotype b (Hib) est le plus pathogène pour l’homme et est impliqué dans des infections invasives de type méningites, épiglottites ;
▶ pour les souches non capsulées (non typables NT ou HiNT), des adhésines favorisant l’étape de colonisation et des IgA-protéases permettant d’échapper aux mécanismes de défense de l’hôte.

Points clés
H. influenzae est un bacille à Gram négatif.
Il existe des souches capsulées, responsables d’infections invasives et des souches non capsulées, principalement responsables d’infections respiratoires.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Au début des années 1990, le vaccin contre le sérotype b a été introduit dans la plupart des pays européens, et l’incidence des infections invasives à Hib (IIHi) a considérablement baissé. Les autres sérotypes restent rarement associés aux infections invasives et peuvent révéler des comorbidités sous-jacentes.
Les souches non capsulées (HiNT) causent majoritairement des infections non invasives des voies respiratoires mais peuvent également être responsables d’infections invasives lorsque des facteurs prédisposants sont présents.
En 2018, l’incidence des IIHi en France est de 1,5 pour 100 000 habitants, soit environ 900 épisodes de bactériémies et environ 100 méningites (données Santé Publique France 2018). Actuellement, les IIHi sont en grande majorité provoquées par des souches NT.
Il est à noter en 2020 que les cas d’IIHi ont globalement diminué, cette baisse est essentiellement observée chez les adultes de 45 ans et plus. En revanche, les cas chez les < 1 an ont augmenté, et en particulier pour les cas d’Hib et Hia. Chez les enfants < 5 ans, ce sont les souches typables qui dominent avec, en majorité, les souches du sérotype b suivies des souches des sérotypes a et f.

PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES

HABITAT

H. influenzae est une bactérie commensale des voies aériennes supérieures, strictement humaine.
Le portage rhinopharyngé concerne essentiellement les souches non capsulées. Les souches capsulées sont exceptionnelles en portage asymptomatique.

PHYSIOPATHOLOGIE

La transmission est interhumaine via les sécrétions rhinopharyngées (gouttelettes de Flügge).
a) Infections non invasives (fréquentes) : otites, sinusites, conjonctivites, surinfections broncho-pulmonaires, pneumonies. La bactérie va exercer son pouvoir pathogène au niveau des muqueuses par extension à partir de son réservoir rhinopharyngé, faisant suite la plupart du temps à une infection virale qui diminue les défenses locales en particulier lors d’une atteinte du système mucociliaire.
b) Infections invasives (plus rares) : bactériémies, méningites, épiglottites, arthrites, péricardites. Ces infections, majoritairement liées aux souches capsulées, se produisent lorsque la bactérie traverse le rhinopharynx, envahit la circulation sanguine et se propage pour atteindre des sites normalement stériles. La bactérie peut ainsi se multiplier dans le sang, protégée de la phagocytose et de l’action du complément par sa capsule.

PRINCIPALES MANIFESTATIONS CLINIQUES

a) Infections des voies ORL et respiratoires :
▪ voies respiratoires supérieures : sinusites, otites moyennes aiguës (souvent après 3 mois), et exceptionnellement épiglottites aiguës ;
▪ voies respiratoires inférieures : exacerbations de broncho- pneumopathie chronique obstructive (BPCO), pneumonies compliquant des infections virales, pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) précoces. Le plus souvent provoquées par les souches HiNT.
b) Méningites purulentes
Depuis la généralisation de la vaccination anti-Hib dans les pays développés, ces méningites ne sont pratiquement plus observées chez les enfants de moins de 5 ans. En revanche, chez l’adulte de plus de 60 ans, des cas liés à des souches non typables sont rapportés.

FACTEURS DE RISQUE

Avant la vaccination : le risque de méningite était plus important entre 3 mois et 5 ans (exceptionnel avant 3 mois en raison des anticorps protecteurs maternels).
Actuellement :
▶ infections invasives (souches capsulées) : patients présentant des déficits immunitaires ou jeunes enfants incomplètement vaccinés ;
▶ facteur de risque de méningite : brèches ostéoméningées (y compris souche non capsulée) ;
▶ infections respiratoires (causées par souches NT) : patients fragiles, âgés de plus de 60 ans, tabagiques, éthyliques, insuffisants respiratoires chroniques, HIV.

Points clés
H. influenzae b, souche capsulée, était l’étiologie majoritaire des méningites de l’enfant avant l’introduction de la vaccination dans le calendrier vaccinal des nourrissons en 1992 en France ; depuis, l’incidence de ces infections a spectaculairement chuté.
● Les souches non capsulées sont majoritairement la cause d’otites moyennes aiguës et de surinfections bronchiques, mais leur responsabilité dans les infections invasives des adultes âgés est en augmentation.

DIAGNOSTIC

DIAGNOSTIC DIRECT

Prélèvements : LCR, hémocultures, pus de sinus, pus de paracentèse, prélèvements d’origine respiratoire.

EXAMEN DIRECT

La coloration de Gram met en évidence de petits bacilles à Gram négatif, se présentant sous forme de coccobacilles ou de longs filaments.

CULTURE ET IDENTIFICATION

H. influenzae est une bactérie exigeante, aérobie-anaérobie facultative.
Cette bactérie est mise en évidence sur gélose chocolat + supplément polyvitaminique, incubée en atmosphère enrichie à 5 % de CO2 (figure II.5.2).
▶ À partir des colonies, le test de l’oxydase est faiblement positif.
▶ En pratique, identification habituellement réalisée par spectrométrie de masse de type MALDI-TOF.
▶ Sérotypage des souches invasives selon antigène de capsule (but épidémiologique).
▶ Autres méthodes de détection : approche syndromique par PCR multiplex dans les méningites par exemple, syndrome méningé.

Figure II.5.2 Culture de H. influenzae sur gélose chocolat PolyViteX.

DIAGNOSTIC INDIRECT

Pas de diagnostic sérologique des infections à H. influenzae.

Points clés
Le diagnostic d’une infection à H. influenzae repose sur la culture qui exige la présence de facteurs de croissance : facteur X (hémine) et facteur V (NAD) dans les milieux utilisés. Celle-ci est réalisée à partir de divers prélèvements en fonction du type d’infection.

SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES ET ANTIBIOGRAMME

H. influenzae est naturellement sensible à de nombreux antibiotiques. Les macrolides sont peu actifs sur H. influenzae.
Les bêta-lactamines représentent, en l’absence d’allergie, les antibiotiques de première intention pour le traitement des infections à H. influenzae. Il existe cependant différents mécanismes de résistance acquise aux bêta-lactamines :
▶ production de bêta-lactamases = pénicillinase (environ 25 % des souches en France) : résistance de haut niveau à l’ampicilline et à l’amoxicilline ; activité restaurée par association avec l’acide clavulanique. Détection à l’aide d’un disque de céfinase ;
▶ modification de cible (PLP3) (environ 10 % des souches en France) : résistance de bas niveau aux pénicillines, sans restauration d’activité en présence d’acide clavulanique.
L’activité des céphalosporines de 3e génération est conservée.

Points clés
Les souches résistantes à l’amoxicilline et à l’ampicilline représentent une proportion importante des souches de H. influenzae.
Les céphalosporines de 3e génération restent actives.

TRAITEMENT

Les antibiotiques utilisables sont :
▶ les bêta-lactamines (en l’absence d’allergie) :
▪ amoxicilline avec ou sans acide clavulanique (en 1re intention dans les infections de la sphère ORL) ;
▪ céphalosporines de 3e génération (en 1re intention en cas de méningite, épiglottite aiguë) ;
▶ les fluoroquinolones en 2e intention (contre-indiquées chez l’enfant).

PRÉVENTION

La prophylaxie des infections à H. influenzae repose essentiellement sur la vaccination, ciblant uniquement le sérotype b. L’antigène vaccinal est le polysaccharide capsulaire, le polyribosyl-ribitol-phosphate (PRP), conjugué à une protéine porteuse, l’anatoxine tétanique, permettant d’obtenir une immunogénicité meilleure dans les premiers mois de vie.
Les vaccins disponibles en France se présentent sous 2 formes :
▪ monovalente (Act-Hib®) ;
▪ combinée dans les vaccins pentavalents acellulaires (Infanrix Quinta® et Pentavac®) et dans les vaccins hexavalents (Infanrix Hexa®, Hexyon® et Vaxelis®).
Recommandations vaccinales.
▶ primo-vaccination (deux injections à 2 et 4 mois suivies d’un rappel à 11 mois) obligatoire pour tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2018 ;
▶ pour les enfants n’ayant pas été vaccinés :
▪ entre 6 et 12 mois : deux doses de vaccin monovalent à 1 mois d’intervalle et rappel 6 mois après la première dose ;
▪ de 12 mois à 5 ans, rattrapage vaccinal avec une dose de vaccin monovalent.

Points clés
La vaccination contre H. influenzae b représente l’élément essentiel de la prophylaxie contre cette bactérie. Cette vaccination dirigée contre le polysaccharide capsulaire du sérotype b prévient ainsi les infections invasives, et notamment les méningites, mais n’a pas d’impact sur les infections de la sphère ORL, les pneumonies ou surinfections de BPCO liées à des souches HiNT.