L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (HIV ou VIH) est sexuellement transmissible (IST) et responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). Ce tableau clinique a été décrit pour la première fois en 1981 et le HIV-1 a été isolé en 1983.
CARACTÉRISTIQUES VIROLOGIQUES
CLASSIFICATION
Famille des Retroviridae, genre Lentivirus dont 2 espèces ont émergé chez l’Homme : HIV-1 et HIV-2. Il existe une grande diversité génétique du HIV-1, divisé en 4 groupes : M responsable de la pandémie, N, O et P rares, essentiellement au Cameroun ; et HIV-1M séparé en 9 sous-types purs : de A à K avec de très nombreuses formes recombinantes (Circulating Recombinant Forms CRFs et Unique Recombinant Forms URFs).
STRUCTURE
Le HIV est un virus enveloppé de 80–100 nm de diamètre (figure III.10.1). Il possède une capside conique renfermant 2 copies d’ARN génomique monocaténaire de polarité positive de 9,2 kb chacune.
Le génome du HIV-1 contient :
▶ les gènes gag et env codant les protéines virales structurales internes à la particule virale (gag : P24 – capside, P17 – matrice) et externes (env : Gp160 clivée en Gp120 et Gp41 – glycoprotéines d’enveloppe) (figure III.10.1) ;
▶ le gène pol codant l’ADN polymérase à activité transcriptase inverse (RT ou TI), l’intégrase (IN) et la protéase (P) ;
▶ 6 gènes (vif, vpr, vpu, nef, tat et rev) codant des protéines régulatrices ;
▶ des séquences Long Terminal Repeats (LTR) non codantes régulant la transcription de l’ADN proviral en ARN.
TROPISME ET RÉPLICATION
Le HIV-1 a un tropisme pour les cellules CD4+ : lymphocytes T CD4+, monocytes-macrophages et cellules dendritiques.
Son entrée dans la cellule nécessite une interaction entre la Gp120 virale et sur la cellule cible du récepteur CD4 ainsi que d’un corécepteur CCR5 (majoritaire en début d’infection) ou CXCR4. L’entrée du virus nécessite ensuite une fusion des membranes médiée par la Gp41. La nucléocapside est alors libérée dans le cytoplasme.
Dans la nucléocapside, l’ARN viral est rétro-transcrit en ADN double brin par la transcripase inverse virale (RT) puis transporté dans le noyau cellulaire sous forme de complexe de pré-intégration. L’intégrase (IN) virale permet l’intégration du génome viral sous forme d’ADN proviral dans le génome de l’hôte, forme de latence du HIV. Les ARNm viraux sont ensuite transcrits puis traduits en protéines par la machinerie cellulaire dans le cytoplasme (Gag et Gag-Pol) ou le réticulum endoplasmique rugueux (Env). Les nouveaux virions acquièrent leur enveloppe par bourgeonnement à la membrane cytoplasmique et sont libérés. Dans les virions, la protéase (P) virale assure enfin la maturation des protéines Gag et Gag-Pol par clivages protéolytiques avec la formation de particules virales infectieuses (figure III.10.2).
Les antiviraux (en rouge) ciblant différentes protéines virales (soulignées) et étapes clés du cycle viral (en gras).
Points clés L’entrée du virus est médiée par une interaction gp120-CD4 + co-récepteur. Les protéines majeures du cycle viral sont la RT, l’intégrase et la protéase. |
DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
En 2020, le HIV-1 infectait 35 millions d’individus dans le monde et a été responsable de 700 000 décès. En France, on estime à 180 000 le nombre de personnes vivant avec le HIV dont environ 25 000 qui n’ont pas connaissance de leur statut. L’incidence est stable et estimée à 6 000 nouvelles contaminations par an, principalement par rapports sexuels non protégés (hétérosexuels ou hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, HSH), moins fréquemment par exposition au sang (quasi-exclusivement usagers de drogues injectables) et exceptionnellement par transmission mère-enfant en France, du fait de la prophylaxie très efficace.
À noter que le HIV-2, rare en France, est présent quasi-exclusivement dans sa région d’émergence, l’Afrique de l’Ouest.
Points clés Le HIV se transmet par rapports sexuels non protégés (HSH ++), par le sang, ou de la mère à l’enfant en absence de prophylaxie. |
PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES
L’infection par le HIV débute par une phase d’incubation de 2 semaines (asymptomatique) suivie par une phase de primo-infection puis une phase de latence. En l’absence de traitement l’infection évolue vers le stade SIDA et le décès en 8 ans en moyenne (figure III.10.3).
PRIMO-INFECTION
Clinique : asymptomatique le plus souvent ou pharyngite avec syndrome pseudo-grippal peu marqué (asthénie, fièvre, céphalées, adénopathies, pharyngite).
Biologie : syndrome mononucléosique sanguin avec possible thrombopénie, leuco-neutropénie, lymphopénie transitoire puis hyperlymphocytose CD8 +, cytolyse hépatique (ALAT augmentée).
Marqueurs viraux : ARN HIV-1 détectable en moyenne à J7 post-contage, dépistage HIV positif à J10 (Ag P24 détectable à J10 et Ac anti-HIV détectables à J21).
STADE SIDA
Définition : Lymphocytes T CD4+ < 200/mm3 avec infections opportunistes et/ou cancers.
Infections opportunistes : cryptococcose, pneumocystose, toxoplasmose, infections à CMV, tuberculose…
Cancers : lymphome EBV*, cancers à HPV…
Points clés Évolution vers le stade SIDA (CD4 < 200/mm3 avec infections opportunistes et/ou cancers) en l’absence de traitement. |
DIAGNOSTIC
DÉPISTAGE
Le dépistage HIV nécessite l’accord du patient. Il est recommandé en début de grossesse, chez les patients à risque (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes originaires de zone d’endémie) et au moins une fois dans la vie chez tout individu.
▶ Ce dépistage repose sur un test combiné recherchant les Ac anti-HIV-1, anti-HIV-2 et l’Ag P24* (*de sensibilité ≤ 2 UI/ mL).
▪ Les tests commercialisés détectent tous les groupes de HIV-1.
▪ Ces tests sont très sensibles et peuvent conduire à des faux positifs (nécessité du test de confirmation).
▪ Dépistage encadré par l’arrêté du 28 mai 2010.
▶ Interprétation des tests de dépistage :
▪ test négatif : absence d’infection sous réserve de prise de risques dans les 3 semaines précédentes ;
▪ test positif : doit être confirmé par un western-blot (WB) ou immunoblot sur le 1er prélèvement.
▪ Concernant le test positif :
– confirmation de la spécificité des Ac contre les protéines du HIV et différenciation entre HIV-1 et HIV-2 par le test de confirmation ;
– test de confirmation spécifique mais peu sensible (se positive en 3 à 6 mois après la primo-infection) ;
– test de confirmation positif (WB) si ≥ 3 Ac dont ≥ 2 contre les protéines d’enveloppe (Gp 160, 120 ou 41) ;
– tout test de dépistage positif doit être confirmé sur un 2e prélèvement ;
– tout dépistage confirmé positif doit faire l’objet d’une déclaration obligatoire à l’ARS ;
– un test de dépistage positif, non confirmé par un immunoblot (ou WB) positif doit faire l’objet d’une détection de l’ARN HIV-1 sur le même prélèvement.
▶ En complément, des tests rapides d’orientation diagnostic (TROD) et des autotests HIV sont disponibles :
▪ tests immuno-chromatographiques ne recherchant que les Ac anti-HIV-1 et 2 (pas l’Ag P24) ;
▪ ils détectent un contact datant de plus de 3 mois ;
▪ intérêt : dépistage associatif, urgence, pays à ressources limitées ;
▪ à confirmer par un test de dépistage en laboratoire si positif.
▶ Cas particulier du diagnostic chez le nouveau-né :
▪ détections de l’ARN plasmatique de l’ARN du HIV par RT-PCR jusqu’à 6 mois post arrêt du traitement ;
▪ Sérologie inutile jusqu’à 16–24 mois car les Ac maternels sont détectables.
BILAN COMPLÉMENTAIRE
▶ Bilan initial : numération des lymphocytes T CD4+ / CD8+, charge virale HIV-1 par RT-qPCR (quantification de l’ARN HIV-1 plasmatique), génotypage de résistance (séquençage des gènes codant les cibles des antiviraux RT/Protéase/Intégrase pour recherche de mutations associées à la résistance), recherche d’autres IST (HBV, Syphilis…) et co-infections (M. tuberculosis, hépatites virales).
▶ Bilan de suivi : charge virale HIV-1, suivi métabolique/cardio, éducation thérapeutique.
Points clés Sérologie combinée recherchant les Ac anti HIV-1, anti-HIV-2 et l’Ag p24. Attention à la fenêtre sérologique de 6 semaines. À confirmer par western blot HIV et 2e prélèvement. |
TRAITEMENT ANTIRÉTROVIRAL (ARV)
Le traitement antirétroviral est indiqué chez tous les sujets infectés quel que soit leur nombre de lymphocytes T CD4+.
Les objectifs du traitement sont au nombre de 4 :
1) virologique : blocage le plus complet possible de la réplication virale : objectif = charge virale HIV-1 < 50 copies/mL de plasma ;
2) immunologique : maintenir l’immunocompétence du sujet : objectif = lymphocytes T CD4+ > 500/mm3 ;
3) clinique : sujet asymptomatique, sans pathologie opportuniste ;
4) santé publique : bloquer la transmission du HIV-1.
Indications de traitement : infection par le HIV, quel que soit le taux de lymphocytes T CD4+. Si les lymphocytes T CD4+ sont < 200/mm3, initiation rapide sous prophylaxie des infections opportunistes (cotrimoxazole).
Stratégie thérapeutique : trithérapie par voie orale associant 2 inhibiteurs nucléos(t)idiques de la transcriptase inverse INTI (TDF/TAF + FTC) avec 1 inhibiteur non nucléos(t)idique de transcriptase inverse INNTI (RPV) ou 1 inhibiteur d’intégrase INI (RAL/BIG/EVG) ou 1 inhibiteur de protéase IP (DRV/r). Possibilité de traitement en 1 comprimé et 1 prise par jour. L’efficacité du traitement antirétroviral est confirmée par la mesure de la charge virale HIV-1 (éventuellement HIV-2 pour les patients infectés par HIV-2) et par la mesure du nombre de lymphocytes T CD4 + et la clinique.
Le traitement des pathologies opportunistes est prioritaire sur l’initiation du traitement antirétroviral. La pathologie opportuniste doit être éradiquée ou sous contrôle, sinon il y a un risque de syndrome de reconstitution immune (SRI) à l’initiation du traitement antirétroviral avec aggravation des signes cliniques. La prévention par cotrimoxazole de la toxoplasmose et de la pneumocystose est systématique initiée lorsque les lymphocytes T CD4 + sont < 200/mm3.
Si non-réponse ou échappement confirmé par une charge virale détectable : éducation thérapeutique et dosage sanguin des antirétroviraux (ARV), génotypage de résistance (séquençage des gènes codant les cibles des ARV), adaptation du traitement avec 3 ARV en fonction de l’historique (décision multidisciplinaire : infectiologue, pharmacologue, virologue…).
PRÉVENTION
La prévention repose sur :
▶ la réduction des pratiques à risque et l’information :
▪ sexuelle : rapports sexuels protégés (préservatifs masculin ou féminin), éviter le multipartenariat ;
▪ toxicomanie : seringue à usage unique ;
▶ le dépistage large et incitatif ; gratuit et anonyme en centre gratuit d’information de diagnostic et dépistage (CeGIDD) ;
▶ le traitement pour prévenir la transmission : Treatment as Prevention (TasP = traitement de l’ensemble des sujets infectés par le HIV) ;
▶ le traitement pré-exposition (chez des sujets à risque élevé d’infection) : Pre Exposure Prophylaxis (PrEP) composé de ténofovir + emtricitabine ;
▶ la sécurisation virale des dons de cellules, tissus (transfusion et produits sanguins) et organes ;
▶ maladie à déclaration obligatoire anonyme (dépistage HIV + et immunoblot HIV +) ;
▶ la prévention de la transmission mère-enfant (TME) : traitement antirétroviral compatible avec une grossesse, perfusion de zidovuline (AZT) ou ténofovir (TDF/TAF) pendant le travail et traitement post-exposition (TPE) du nouveau-né, allaitement maternel proscrit ;
▶ cas particulier de l’accident d’exposition sexuelle et au sang (AES), évaluation médicale du risque de transmission dépendant du statut du sujet source et de la blessure :
▪ dépistage HIV en urgence chez le patient source (si le statut n’est pas connu + dépistage HBV et HCV) ;
▪ évaluation de l’indication de traitement post-exposition TPE ;
▪ si TPE : à débuter le plus tôt possible, idéalement dans les 4 h (jamais après 48 h) et pour une durée de 4 semaines ;
▪ déclaration à la médecine du travail dans les 48 h pour suivi biologique du sujet exposé.
Points clés Le traitement du HIV repose sur une trithérapie associant 2 INTI + 1 IP/INI/INNTI. La prévention repose sur la réduction des risques, le dépistage et le traitement (TasP, TPE, PrEP). |