Principe de la détermination de la résistance des virus aux antiviraux

CIRCONSTANCES DE LA DÉTERMINATION DE LA RÉSISTANCE

SUR LE PLAN CLINIQUE

La résistance virale est caractérisée par l’absence d’efficacité clinique du traitement antiviral. Cette dernière doit faire évoquer une sélection de virus résistants (résistance acquise). Un contrôle virologique par détermination de la charge virale peut permettre de confirmer la réplication virale. Mais il faut également prendre en compte les effets indésirables liés à la prise d’antiviraux par le patient et à l’adhésion de celui-ci au traitement. Les interactions médicamenteuses (ou alimentaires) peuvent rendre la concentration des antiviraux insuffisante et inefficace. Des dosages plasmatiques des antiviraux (surtout pour les anti-rétroviraux) peuvent être nécessaires. La résistance est le plus souvent la conséquence d’un défaut d’adhésion au traitement.

SUR LE PLAN VIROLOGIQUE

La résistance virale est mise en évidence par une réplication virale (charge virale) persistante sous traitement antiviral. Le suivi virologique des traitements antiviraux permet de valider leur efficacité avec la mise en évidence d’une baisse de la réplication virale confirmée par la mesure des charges virales (quantification des génomes viraux) dans le sang périphérique. Pour chaque infection virale (HIV, HCV, HBV, CMV…), des objectifs en termes de charge virale par rapport à la date d’initiation du traitement sont définis. En effet, la réplication virale doit être inhibée (virus non détectable par PCR) le plus rapidement possible. Cela permet de bloquer l’apparition de virus mutants et donc de prévenir l’émergence de virus résistants.

MISE EN ÉVIDENCE DE LA RÉSISTANCE

DÉTERMINATION PHÉNOTYPIQUE DE LA RÉSISTANCE AUX ANTIVIRAUX

Les méthodes de résistance phénotypiques ou antivirogrammes ne peuvent pas être réalisées directement sur le prélèvement biologique car le titre viral est souvent insuffisant. Ces méthodes sont longues et nécessitent l’isolement de la souche virale en culture cellulaire, ce qui n’est pas toujours possible. Elles consistent à cultiver le virus sur culture de cellules en présence de concentrations croissantes de molécules antivirales. La multiplication du virus est ensuite mise en évidence par diverses techniques (i.e. méthode de réduction du nombre de plages de lyse) (figure IV.3.1). L’objectif est de quantifier la multiplication virale pour chaque concentration d’antiviral et de déterminer des concentrations inhibitrices 50 % (CI50) et 90 % (CI90) (figure IV.3.2) par rapport à un témoin virus sans antiviral. L’interprétation peut s’avérer complexe (reproductibilité, corrélation avec la clinique), et le temps de rendu de résultat est long.
La baisse d’activité d’un antiviral peut parfois être liée à la diminution ou l’absence de son activation par une enzyme virale. Par exemple, la première étape de l’activation de l’aciclovir par phosphorylation est effectuée par la thymidine kinase du virus de l’herpès simplex. L’activité de cette enzyme peut être mesurée in vitro.
L’activité virale sur une cible enzymatique spécifique du virus peut également être recherchée comme la détermination de la résistance aux inhibiteurs de la neuraminidase pour les virus influenza à l’aide d’un test enzymatique. Cette technique nécessite aussi l’isolement du virus sur culture cellulaire pour obtenir une activité enzymatique détectable.
Ces tests sont essentiellement réalisés dans les centres nationaux de référence (CNR). Ils sont systématiquement associés à des tests génotypiques qui ont des délais de rendu plus courts. Ils restent intéressants et complémentaires lorsque des mutations nouvelles sont détectées.

Figure IV.3.1 Antivirogramme par la méthode de l’échiquier. Dans chaque puits de culture cellulaire est inoculé une quantité de virions et une concentration de l’antiviral définies. L’évaluation de la réplication virale peut s’effectuer par la numération des plages de lyse (1 virion viable = une plage de lyse cellulaire).
Figure IV.3.2 Détermination des concentrations d’un antiviral inhibant 50 % et 90 % de la production d’un virus par rapport à un témoin sans antiviral pour chaque concentration d’antiviral testée.

DÉTERMINATION GÉNOTYPIQUE DE LA RÉSISTANCE AUX ANTIVIRAUX

Les tests de résistance génotypiques peuvent être réalisés sur des isolats viraux mais aussi directement sur les prélèvements. Ils reposent sur la recherche de mutations sur les gènes viraux cibles des antiviraux et associés à la résistance. Il est nécessaire de différencier les mutations associées à la résistance de celles liées au polymorphisme viral (mutations sans effet sur la sensibilité aux antiviraux). Les tests sont réalisés par les laboratoires des CHU pour certains virus, entre autres HIV, HBV, HCV, CMV, HSV ou VZV*. Ils présentent un intérêt majeur pour le suivi des infections chroniques actives traitées au long cours. Ainsi, l’émergence de virus résistants détectée précocement permet l’optimisation de l’utilisation des antiviraux. Ces tests ont une valeur diagnostique avant l’initiation d’un traitement ou devant un échec thérapeutique, et une valeur pronostique pour anticiper une réponse thérapeutique.
La technique consiste à amplifier (PCR) puis séquencer les gènes codant les protéines cibles (enzymes virales, protéines de liaison au récepteur/corécepteur) des antiviraux à étudier. Le séquençage repose classiquement sur la technique de Sanger, considérée à ce jour comme la technique de référence. La comparaison de la séquence en acides aminés obtenue avec celle d’une souche sensible (« sauvage ») permet d’identifier les mutations connues comme associées aux résistances (figure IV.3.3). Des algorithmes, mis à jour périodiquement en fonction de l’évolution des connaissances, permettent d’interpréter des profils de mutations pour chaque antiviral en termes de sensibilité et de résistance. Le séquençage classique a une sensibilité de 20 %, c’est-à-dire qu’il ne détecte une mutation que lorsqu’au moins 20 % de la population virale la possède. Les techniques de séquençage haut débit ou de nouvelle génération (NGS) permettant de détecter des variants de faible fréquence sont beaucoup plus sensibles, mais elles nécessitent de déterminer des seuils cliniques pertinents afin de pouvoir prédire l’impact clinique de chaque mutation sur la réponse thérapeutique du patient.

Figure IV.3.3 Différentes étapes d’un test de résistance génotypique.

CONCLUSION

La prise en compte de la résistance consiste à choisir l’antiviral ou les antiviraux les plus efficaces aux posologies usuelles sur les populations virales détectées, les mieux tolérés et enfin de prise facile, assurant une adhésion/observance au choix du patient au traitement antiviral sur le long terme. En pratique, en cas de résistance confirmée, l’adaptation thérapeutique est discutée dans des réunions de concertation pluridisciplinaire (cliniciens, virologues, pharmacologues).

Points clés
La résistance aux antiviraux s’explique par l’existence de variants minoritaires porteurs de mutations au sein de la quasi-espèce virale qui peuvent être sélectionnés sous la pression du traitement antiviral. Les tests de résistance phénotypiques nécessitent l’isolement préalable du virus en culture cellulaire. Les tests de résistance phénotypiques sont réalisés dans les centres nationaux de référence.
Les tests de résistance génotypiques reposent sur des techniques de séquençage et sont réalisés dans les laboratoires des CHU.
Les tests de résistance génotypiques nécessitent des bases de données qui doivent être mises à jour régulièrement.
Pour les tests de résistance génotypiques, le séquençage par la technique de Sanger reste la technique de référence mais le séquençage NGS prend une place de plus en plus importante.