Infections ORL et broncho-pulmonaires

SÉMIOLOGIE – PHYSIOPATHOLOGIE

Le tableau I.5.1 reprend les principaux pathogènes bactériens et viraux responsables d’infections ORL et broncho-pulmonaire, les modalités diagnostiques et les traitements.

Tableau I.5.1 Infections ORL et broncho-pulmonaire : agents infectieux, diagnostic et traitement.

INFECTIONS ORL

RHINOPHARYNGITE

Inflammation des fosses nasales et du pharynx d’origine virale ; associe rhinorrhée avec obstruction nasale, éternuements et fièvre modérée. Bénin, pas de diagnostic ni traitement spécifique.

ANGINE

Inflammation des amygdales souvent associée à une inflammation générale du pharynx. La présentation la plus fréquente est l’angine érythémateuse ou érythémato-pultacée (amygdales inflammatoires recouvertes d’un enduit blanchâtre), d’origine virale dans 60 % à 90 % des cas selon l’âge. Les angines bactériennes sont dues essentiellement à Streptococcus pyogenes, streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SGA). La présentation clinique ne permet pas de différencier les angines virales des angines bactériennes.
La symptomatologie clinique est dominée par des douleurs de la gorge (odynophagie), une fièvre parfois élevée, et la présence d’adénopathies cervicales.
Les angines à SGA évoluent spontanément vers la guérison mais présentent un risque de complications non suppuratives post-streptococciques à distance de l’épisode infectieux, en particulier chez les enfants de 5 à 15 ans. Ces complications sont aujourd’hui exceptionnelles en France.

OTITE MOYENNE AIGUË (OMA)

Surinfection bactérienne de la caisse du tympan avec un épanchement purulent ou mucopurulent se traduisant par un tympan inflammatoire et bombé. La symptomatologie est dominée par une otalgie et une fièvre élevée. Chez l’enfant, l’OMA fait souvent suite à une infection virale de la sphère ORL favorisant la prolifération de bactéries commensales du rhinopharynx, en particulier Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae.

SINUSITES

Infection bactérienne d’une ou plusieurs cavités sinusiennes. Les plus fréquentes sont les sinusites aiguës maxillaires, qui se traduisent par des douleurs sinusiennes infra-orbitaires augmentant quand la tête est penchée en avant. Le diagnostic est essentiellement clinique. Les principales bactéries en cause sont S. pneumoniae et H. influenzae. Les sinusites frontales, ethmoïdales et sphénoïdales sont plus rares mais plus graves, du fait du risque de complications orbitaires ou cérébro-méningées.

INFECTIONS BRONCHO-PULMONAIRES

BRONCHITE

Inflammation des bronches, souvent d’origine virale, dont le signe clinique majeur est la toux avec une fièvre inconstante. Le diagnostic est exclusivement clinique et, chez un adulte sain, ne doit pas mener à une antibiothérapie. Une toux persistante doit faire rechercher une coqueluche due à Bordetella pertussis*.

BRONCHIOLITE

Inflammation des bronchioles, fréquente chez le jeune enfant, particulièrement grave chez les nouveau-nés, causée majoritairement par le virus respiratoire syncytial (VRS)*.

PNEUMONIES

Pneumonies aiguës communautaires (PAC)
Les PAC regroupent les pneumonies alvéolaires causées par des bactéries pyogènes, et les pneumonies interstitielles (atypiques) dues à des bactéries à développement intracellulaire ou à des virus. Les PAC sont des infections fréquentes, de gravité variable, qu’il faut prendre en charge rapidement. Les principaux signes cliniques de ces deux formes sont présentés dans le tableau I.5.2. L’examen complémentaire de premier choix est la radiographie pulmonaire (RP) qui objective une atteinte du parenchyme pulmonaire.
Les principales bactéries en cause dans les PAC alvéolaires sont des bactéries de la sphère oropharyngée qui disséminent vers le parenchyme pulmonaire à la suite d’une altération des défenses mécaniques ou immunitaires du patient : S. pneumoniae, plus rarement H. influenzae, et les bactéries anaérobies dans le cas des pneumonies d’inhalation, fréquentes chez les personnes âgées dépendantes.
Legionella pneumophila est une bactérie à développement intracellulaire facultatif qui peut donner un syndrome alvéolo-interstitiel appelé maladie des légionnaires ou légionellose, après exposition à des aérosols d’eau contaminée (climatisation, cure thermale, piscine…). Cette pathologie est caractérisée par l’association d’une atteinte pulmonaire et de signes extra-respiratoires.
Les principales bactéries responsables de pneumonies graves, associées à un taux de mortalité élevé qui justifie une hospitalisation en unité de soins intensifs ou en réanimation, sont S. pneumoniae et L. pneumophila. Staphylococcus aureus peut être responsable de pneumonies nécrosantes gravissimes.
Le virus de la grippe donne essentiellement des tableaux associant fièvre et toux. Les complications sont essentiellement des surinfections bactériennes (S. pneumoniae, H. influenzae ou S. aureus), mais la grippe à elle seule peut aussi être à l’origine de pneumopathies sévères (grippe maligne), y compris chez des patients sans facteurs de risque, pouvant conduire à un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) comme avec le SARS-CoV-2* (COVID).

Tableau I.5.2 Principaux caractères différentiels des 2 grandes catégories de pneumonies communautaires bactériennes.

Pour certains pathogènes comme L. pneumophila, la présentation clinique est moins tranchée et les signes extrapulmonaires présents.

Pneumonies nosocomiales
Les pneumonies nosocomiales surviennent en majorité dans les services de réanimation chez des patients sous ventilation mécanique (pneumonie acquise sous ventilation mécanique, PAVM). C’est la première cause d’infection nosocomiale et de surmortalité en réanimation. Les étiologies varient en fonction de l’écologie locale et du délai d’apparition de la pneumonie à partir de l’hospitalisation. Les étiologies principales des PAVM précoces (< 5 jours) sont S. aureus et H. influenzae. Les étiologies majeures des PAVM tardives (≥ 5 jours) sont des bacilles à Gram négatif en particulier Pseudomonas aeruginosa et les entérobactéries dont Escherichia coli. L’étiologie est recherchée de manière systématique et permet de mettre en oeuvre un traitement spécifique.
Des pneumopathies nosocomiales sont également possibles avec les virus, en particulier celui de la grippe en période de circulation active de ce virus.

EXACERBATIONS DE BRONCHO-PNEUMOPATHIES CHRONIQUES OBSTRUCTIVES (BPCO)

Les exacerbations de BPCO peuvent être d’origine virale ou bactérienne. L’argument clinique prépondérant en faveur d’une étiologie bactérienne est la mise en évidence d’une purulence verdâtre franche des crachats. Le diagnostic étiologique n’est pas fait systématiquement et l’indication d’une antibiothérapie probabiliste repose essentiellement sur la clinique et le stade de la BPCO.

TUBERCULOSE

La tuberculose pulmonaire est une infection bactérienne chronique liée à des bactéries du groupe Mycobacterium tuberculosis. C’est une maladie à transmission interhumaine le plus souvent par voie aérienne.

Points clés
● L’étiologie bactérienne des pneumopathies est variable en fonction du contexte communautaire ou nosocomial, de l’âge et du terrain du patient (immunodépression).
S. pneumoniae est le principal agent pathogène impliqué dans les pneumonies aiguës communautaires (PAC) de gravité variable.
L. pneumophila peut aussi être à l’origine de PAC graves.
● Les PAVM sont principalement dues à S. aureus et à des bacilles à Gram négatif.
● La grippe peut être à l’origine de pneumopathies gravissimes (grippe maligne) pouvant conduire à un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA).
● Les surinfections bactériennes post-grippales sont souvent causées par S. pneumoniae, H. influenzae ou S. aureus.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE ET AGENTS ÉTIOLOGIQUES

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES ANGINES

Un test rapide d’orientation diagnostique (TROD) permet d’identifier les angines à SGA. Il s’agit d’un test immuno-chromatographique basé sur la recherche de l’antigène polyosidique de groupe A à partir d’un prélèvement oropharyngé. La recherche par culture sur gélose au sang est également possible.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES OMA

Il n’est pratiqué qu’en cas d’otite récidivante, en cas d’otite survenant chez un enfant de moins de 3 mois ou éventuellement en cas d’échec thérapeutique. Dans ces cas, on procède à une analyse bactériologique classique (mise en culture, identification et antibiogramme) d’un prélèvement de pus rétro-tympanique après incision du tympan (paracentèse).

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES PNEUMONIES AIGUËS

Le diagnostic étiologique n’est réalisé qu’en cas de signes de gravité (atteintes des fonctions supérieures ou vitales…) ou chez les patients présentant des facteurs de risque de mortalité (âge élevé, comorbidité associée…). Il peut être réalisé à partir d’un examen cytobactériologique des crachats (ECBC) ou sur des prélèvements « protégés » prélevés par fibroscopie tels que l’aspiration bronchique, le lavage broncho-alvéolaire (LBA) et le brossage distal protégé (BDP). Il nécessite une analyse quantitative du produit pathologique, plus ou moins contaminé par le microbiote oropharyngé. L’analyse quantitative permet de distinguer la bactérie pathogène des bactéries commensales sur le critère de la quantité. On apprécie également la qualité du prélèvement sur le nombre de cellules épithéliales et de polynucléaires neutrophiles.
Les milieux de culture utilisés doivent permettre la croissance au moins de S. pneumoniae, de H. influenzae, de S. aureus et de P. aeruginosa.
Les résultats de la culture sont disponibles en 24 à 48 h pour les principales espèces bactériennes, sauf pour les légionelles qui nécessitent des délais d’incubation prolongés.
Autres méthodes diagnostiques utilisées :
▶ tests rapides basés sur la détection des antigènes solubles urinaires de S. pneumoniae et L. pneumophila ;
▶ PCR L. pneumophila ;
▶ PCR ciblée sur un pathogène ou PCR multiplex (PCR syndromique).
Pour les patients atteints de PAC et hospitalisés, des hémocultures doivent être systématiquement prélevées car les PAC sont souvent associées à une bactériémie. Autres examens biologiques contributifs : NFS, CRP, gaz du sang…

DIAGNOSTIC DES INFECTIONS VIRALES RESPIRATOIRES

Il est réalisé essentiellement par biologie moléculaire (PCR, TMA, LAMP). Les tests sont ciblés sur un seul pathogène (simplex) ou, le plus souvent, sur plusieurs (duplex ou multiplex). Ces tests peuvent être faits sur un prélèvement respiratoire « haut » (écouvillon nasopharyngé ou aspiration nasopharyngée) ou sur un prélèvement respiratoire « bas » (LBA ou expectoration). Les PCR syndromiques combinant la recherche de bactéries et de virus sont de plus en plus utilisées.
En plus des tests par biologie moléculaire, il existe des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) pour la grippe et le VRS*. Il s’agit le plus souvent de tests par immuno-chromatographie, pouvant être réalisés sur un écouvillonnage nasopharyngé ; les résultats sont obtenus en moins de 30 minutes mais ils sont moins sensibles qu’une technique de biologie moléculaire.

TRAITEMENT

TRAITEMENT DES ANGINES ÉRYTHÉMATEUSES/ ÉRYTHÉMATO-PULTACÉES

En cas de TROD positif, l’antibiothérapie est recommandée. Elle permet de prévenir les complications post-streptococciques, de diminuer la durée des symptômes et de réduire le risque de dissémination bactérienne. La molécule de 1re intention est l’amoxicilline. En cas d’allergie vraie aux pénicillines non croisée aux céphalosporines, on peut avoir recours à une céphalosporine orale cefuroxime-axétil (adulte), cefpodoxime ou cefotiam (adulte) ; si l’allergie est croisée, le traitement repose sur un macrolide après réalisation d’un prélèvement de gorge pour déterminer la sensibilité du SGA car il existe des résistances aux macrolides.

TRAITEMENT DES OMA

Antibiothérapie systématique de 8-10 jours chez l’enfant de moins de 2 ans pour éviter les complications (méningite, mastoïdite). Antibiothérapie recommandée chez l’enfant de plus de 2 ans et chez l’adulte en cas de symptomatologie bruyante. La molécule de première intention est l’amoxicilline sauf en cas de syndrome otite-conjonctivite orientant vers un H. influenzae : dans ce cas, le traitement de 1re intention est l’association amoxicilline-acide clavulanique. En cas d’allergie vraie aux pénicillines, on peut avoir recours au cefpodoxime (chez l’enfant) ou céfuroxime-axétil si l’allergie n’est pas croisée aux céphalosporines ou, en cas d’allergie croisée, au cotrimoxazole ou à la pristinamycine (chez l’adulte) ou à l’érythromycine-sulfafurazole (chez l’enfant).

TRAITEMENT DES SINUSITES

L’amoxicilline est recommandée en 1re intention en cas de sinusite maxillaire sévère. Les autres types de sinusites, plus graves, justifient d’une hospitalisation et d’une antibiothérapie spécifique (généralement amoxicilline/acide clavulanique).

TRAITEMENT DES PAC

Le traitement probabiliste des PAC repose sur la classification des patients en fonction des comorbidités, de l’âge et des signes de gravité.
Toute antibiothérapie probabiliste, quelle que soit la classification du patient, doit être active sur S. pneumoniae.
▶ Adulte sain, sans signe de gravité = amoxicilline (7 à 14 jours). L’efficacité du traitement doit être systématiquement évaluée à 48–72 h.
▶ Patients avec facteurs de risque = amoxicilline/acide clavulanique ou C3G injectable ou macrolides ou fluoroquinolone anti-pneumococciques (lévofloxacine). Ces patients sont généralement hospitalisés et bénéficient le plus souvent d’un diagnostic étiologique.
▶ Enfin, la prise en charge initiale des pneumonies graves doit tenir compte en priorité du pneumocoque et de la légionelle : le traitement probabiliste est donc une bithérapie associant une C3G injectable (ceftriaxone, céfotaxime) et une molécule anti-légionelle, qui doit avoir une bonne diffusion intracellulaire : macrolides en première intention ou lévofloxacine.
Les antibiothérapies spécifiques sont développées dans les chapitres dédiés aux bactéries
TRAITEMENT DE LA GRIPPE (CF. CHAPITRE GRIPPE)
TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE (CF. CHAPITRE MYCOBACTERIUM TUBERCULOSIS)

Points clés
● Les infections ORL sont le plus souvent virales et ne nécessitent pas d’antibiothérapie.
● Les infections pulmonaires bactériennes à S. pneumoniae ou à L. pneumophila ou grippales sont potentiellement graves.
● La gravité des PAC liées à S. pneumoniae justifie de débuter en urgence une antibiothérapie efficace sur cette bactérie (amoxicilline).

PRÉVENTION

Vaccin antigrippal (cf. chapitre grippe).
Vaccins anti-pneumocoque (cf. chapitre S. pneumoniae).
Pour les personnes (adultes et enfants) âgées de 2 ans et plus, à risque élevé d’une infection pneumococcique dont les PAC, la vaccination associant VPC13 – VPP23 est fortement recommandée.
Les infections pulmonaires grippales et dues aux pneumocoques peuvent être prévenues par la vaccination.

Remarque Pas d’effet protecteur du vaccin H. influenzae b vis-à-vis des otites et des PAC (liées à des souches en général non capsulées autres que Haemophilus influenzae type b). 

Le tableau I.5-1 résume les principaux pathogènes impliqués dans les infections ORL et pulmonaires, leur diagnostic, le traitement de 1re intention et les moyens de prévention éventuels.