Shigella spp

Les shigelles sont des bactéries pathogènes strictes responsables de diarrhée aiguë.

CARACTÉRISTIQUES BACTÉRIOLOGIQUES

TAXONOMIE

Embranchement des Proteobacteria, famille des Enterobacteriaceae, genre Shigella.
Taxonomiquement, Shigella spp. sont génétiquement apparentés à Escherichia coli. Du fait de leurs caractères biochimiques et de leur pouvoir pathogène spécifique à l’homme, la communauté médicale a conservé la dénomination Shigella spp. Les shigelles se répartissent dans des sérogroupes subdivisés en sérotypes. Il existe 4 espèces de Shigella : S. dysenteriae, S. sonnei, S. boydii et S. flexneri.

MORPHOLOGIE

Bacille à Gram négatif, immobile, non sporulé et non capsulé.

CARACTÈRES CULTURAUX ET D’IDENTIFICATION

Les caractères généraux des shigelles sont : oxydase négative, non exigent, aéro-anaérobie facultatif, fermente le glucose, possède un nitrate réductase.
Très proches d’E. coli, les shigelles sont caractérisées par de nombreuses réactions biochimiques négatives.

FACTEURS DE VIRULENCE

Les facteurs de virulence majeurs : facteurs permettant l’invasion des cellules intestinales tels que les protéines Ipa, (Invasive plasmid antigen) regroupés dans un îlot de pathogénicité porté par un plasmide de virulence.
Production d’une exotoxine par S. dysenteriae sérotype 1 : entérotoxine Shiga-toxine.
S. flexneri et S. sonnei produisent un sidérophore, l’aérobactine.

Points clés
● Un îlot de pathogénicité regroupe l’essentiel du pouvoir invasif au niveau d’un plasmide.
S. dysenteriae sérotype 1 produit une entérotoxine appelée Shiga-toxine.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Les infections à Shigella sont endémiques des régions tropicales et principalement causées par S. dysenteriae ou S. flexneri.
En France, les shigelloses sont rares (environ 1 % des infections intestinales) et correspondent essentiellement à des cas transmis de personne à personne ou contractés lors de voyages à l’étranger. S. sonnei est le sérogroupe majoritaire circulant en France métropolitaine suivi de S. flexneri. En 2019, environ 100 à 200 cas ont été recensés sans caractère épidémique, avec deux pics d’incidence : l’un dans la tranche d’âge 0-9 ans et l’autre dans celle des 20-49 ans (figure II.14.1).

Figure II.14.1 Répartition des cas de shigellose par classe d’âge en France métropolitaine en 2019. D’après Rapport d’activité annuel 2019 du CNR des Escherichia coli, Shigella, Salmonella, 2020.

PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES

HABITAT

Les shigelles sont des pathogènes strictement humains.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les shigelloses sont liées au péril fécal (tableau II.14.1).
Les shigelles sont des bactéries invasives des cellules épithéliales et de la muqueuse intestinale. Elles pénètrent via les cellules M, sont phagocytées par les macrophages, échappent à la digestion lysosomale (protéines Ipa), se multiplient dans les cellules et vont se déplacer de cellule à cellule en induisant une polymérisation de l’actine cellulaire (« comètes » d’actine). Ce processus aboutit à une inflammation avec une sévère destruction tissulaire (ayant pour conséquence un défaut d’absorption des liquides). À ce mécanisme invasif, s’ajoute la sécrétion de la Shiga-toxine pour S. dysenteriae sérotype 1, entraînant la mort cellulaire.
La dose infectieuse est faible : 10 à 100 bactéries.

Tableau II.14.1 Stratégie thérapeutique des shigelloses.

(a) diarrhée supportable et sans répercussion sur les activités programmées.
(b) diarrhée pénible et perturbant les activités prévues.
(c) diarrhée rendant difficiles ou impossibles les activités prévues ; tout syndrome dysentérique
(présence abondante de sang dans les selles).
*
en première intention si retour d’Asie du Sud-Est ou d’Inde.
** en première intention.

PRINCIPALES MANIFESTATIONS CLINIQUES

La période d’incubation est comprise entre 1 et 4 jours.
La forme la plus fréquente est une diarrhée (syndrome gastro- entéritique) qu’il est difficile de différencier d’autres infections entraînant une diarrhée aqueuse.
La forme dysentérique aiguë typique (dysenterie bacillaire) de l’adulte débute brusquement, après une incubation brève et se caractérise par des douleurs abdominales, souvent accompagnées de vomissements, d’épreintes, de ténesme et de l’émission permanente de selles innombrables, glairo- sanglantes et purulentes, voire parfois hémorragiques et pouvant être dissociées des matières fécales (évacuations afécales). La fièvre est élevée.
Le risque majeur est la déshydratation, mais des complications locales peuvent survenir, comme une perforation colique ou une occlusion intestinale, principalement chez l’enfant.

FACTEURS DE RISQUE

Les sujets à risque sont ceux voyageant ou séjournant dans un pays où la maladie est endémique (zones insalubres, accès à l’eau potable limité).
Les sujets à risque d’infection sévère sont les nourrissons, les personnes âgées et les patients immunodéprimés.

DIAGNOSTIC

CULTURE ET IDENTIFICATION

DIAGNOSTIC DIRECT

Isolement de la bactérie à partir d’une coproculture en ensemençant des selles sur des milieux gélosés sélectifs mettant en évidence les caractères métaboliques permettant de différencier les shigelles. Les milieux sélectifs utilisés sont du type Hektoen, XLD (xylose lysine désoxycholate) ou Salmonella- Shigella (SS). Le diagnostic présomptif est réalisé sur des colonies lactose négatives avec absence de production d’H2S (figure II.14.2).
Identification des colonies suspectes par spectrométrie de masse (MALDI-TOF). L’identification au rang « d’espèce » ou de sérogroupe doit être confirmée par agglutination avec des anti-sérums.

Figure II.14.2 Les colonies translucides « vertes » sur milieu Hektoen (A) et translucises sur le milieu XLD (B) correspondent à des colonies de Shigella flexneri.

AUTRES MÉTHODES DE DÉTECTION

Recherche des gènes de virulence : plasmide et toxine dysentérique (gènes stx).
Possibilité de diagnostic par PCR multiplex (PCR syndromique).

Points clés
● Le diagnostic est clinique et confirmé par la coproculture.

SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES ET ANTIBIOGRAMME

L’émergence de la résistance à l’azithromycine (28 % en 2019), à la ciprofloxacine (18 %) et aux céphalosporines de 3e génération (8 %) était notable parmi les souches de Shigella (données CNR 2020).
L’antibiogramme est effectué dans tous les cas en raison de la prévalence de souches multirésistantes (en particulier en Asie du Sud-Est).

Points clés
● Des résistances aux antibiotiques utilisés existent.

TRAITEMENT

Les shigelles sont des bactéries à multiplication intracellulaire, on utilisera donc un antibiotique à pénétration intracellulaire (tableau II.14.1).

PRÉVENTION

La prévention repose sur les règles d’hygiène strictes (lavage soigneux des mains, désinfection de l’eau et nettoyage des fruits et légumes…) et, à titre collectif, sur la lutte contre le péril fécal. Il n’existe pas de vaccin contre Shigella spp.
La dysenterie bacillaire aiguë due à S. dysenteriae est une maladie à déclaration obligatoire.
La shigellose est une maladie à déclaration obligatoire en cas de TIAC.

Points clés
● Les soins de support sont généralement suffisants, mais il convient d’administrer des antibiotiques aux populations à risque ou chez tout patient présentant une diarrhée sévère.