Pseudomonas aeruginosa

Pseudomonas aeruginosa, aussi appelé bacille pyocyanique (bacille du pus bleu, en raison des divers pigments qu’elle peut produire) est une bactérie pathogène opportuniste par excellence.

CARACTÉRISTIQUES BACTÉRIOLOGIQUES

TAXONOMIE

P. aeruginosa est une bactérie appartenant au genre Pseudomonas, famille des Pseudomonadaceae. Elle fait partie des bactéries dites « non fermentantes ».

MORPHOLOGIE, CARACTÈRES CULTURAUX ET D’IDENTIFICATION

P. aeruginosa est un bacille à Gram négatif, droit, fin et non sporulé (figure II.12.1). Sa ciliature polaire, monotriche, le rend très mobile. Il possède un très grand génome (environ 6,3 M de pb) ce qui lui permet une grande plasticité génomique et une importante adaptabilité à son environnement. Bactérie aérobie stricte, non exigeante, se développant rapidement (18–24 h) à 37 °C (croissance possible entre 10 et 42 °C). À noter que son métabolisme est uniquement respiratoire.
Les colonies présentent plusieurs aspects : lisses et bombées, de taille moyenne ou parfois large avec des reflets irisés, à bords irréguliers. Certaines colonies dites mucoïdes, sont d’un aspect muqueux voire « coulant » (retrouvées en particulier chez les patients atteints de mucoviscidose).
Production de pigments dont les principaux sont la pyocyanine (bleu-vert, soluble dans le chloroforme), la pyoverdine (sidérophore, jaune-vert, soluble dans l’eau). Environ 10 % des souches sont non productrices de pigments.
Odeur très caractéristique, assimilée à une odeur florale de seringat.
Principales caractéristiques biochimiques : oxydase positive, catalase positive, lactose négatif et nitrate et nitrite réductase positifs.

Figure II.12.1 Coloration de Gram de Pseudomonas aeruginosa.

FACTEURS DE VIRULENCE

P. aeruginosa possède de nombreux systèmes de virulence tels que des facteurs sécrétés dont des exotoxines, des protéases, un élastase, des hémolysines, plusieurs systèmes de sécrétion. P. aeruginosa possède également à sa surface différents facteurs d’adhésion, comme les pili de type IV.

P. aeruginosa est capable d’adhérer à des surfaces biotiques ou abiotiques (sondes, prothèses…) en formant des biofilms.

Points clés
● Bacille à Gram négatif mobile (ciliature polaire).
● Nombreux facteurs de virulence et développement de biofilms.  

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

P. aeruginosa représente la bactérie opportuniste par excellence. Ce micro-organisme, d’origine environnementale, est habituellement peu pathogène pour des personnes saines. Cependant, en cas de fragilité immunitaire, elle devient hautement virulente. Elle se retrouve ainsi principalement impliquée dans des infections nosocomiales ou liées aux soins (4e bactérie la plus fréquemment isolée), chez les brûlés et chez les patients présentant des pathologies respiratoires chroniques et en particulier ceux atteints de mucoviscidose.

PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES

HABITAT

P. aeruginosa est une bactérie ubiquitaire, saprophyte des milieux hydriques. Son réservoir est majoritairement environnemental, particulièrement l’eau (douce ou de mer) mais également certains sols et végétaux, dans les milieux hospitaliers, au niveau des réseaux d’eau, canalisations, siphons, etc., ainsi que sur des objets voire dans des solutions, y compris antiseptiques.
Portage humain de P. aeruginosa possible au niveau digestif et parfois cutané.

PHYSIOPATHOLOGIE

P. aeruginosa infecte plus particulièrement des individus ayant des défenses immunitaires affaiblies, les personnes porteuses de matériels ou hospitalisées au long cours en unités de soins intensifs. Les infections sont, au départ, localisées, puis peuvent être suivies d’une dissémination par voie sanguine. P. aeruginosa est aussi le pathogène majeur responsable de pneumopathies chez les patients atteints de mucoviscidose (alternance colonisation et infection broncho-pulmonaire par la bactérie : rôle majeur dans la détérioration de la fonction respiratoire). P. aeruginosa se transmet à un patient via :
▶ une source exogène (eau ou un matériel/produit de l’environnement du patient contaminé par cette bactérie, personnel soignant) ;
▶ une origine endogène, les patients s’infectant avec des souches dont ils sont porteurs.

PRINCIPALES MANIFESTATIONS CLINIQUES

P. aeruginosa est principalement retrouvée dans des infections nosocomiales. Cette bactérie peut engendrer :
▶ des pneumopathies, notamment chez les patients en réanimation intubés/ventilés (PAVM = pneumopathies acquises sous ventilation mécanique) et les patients atteints de mucoviscidose ;
▶ des infections urinaires, plus particulièrement chez les porteurs de sonde à demeure ;
▶ des infections cutanées chez les brûlés ou les patients ayant des escarres ;
▶ des bactériémies souvent sévères (en lien avec la présence de cathéter) ;
▶ rarement : infections méningées, infections ostéo-articulaires (pied diabétique), infections de site opératoire…

Des infections communautaires, bien que moins fréquentes, existent :
▶ des infections cutanées : onyxis, périonyxis, folliculites… ;
▶ des infections oculaires : abcès, notamment chez les porteurs de lentilles (fontes purulentes de l’oeil) ; ▶ des infections ORL : otites externes bénignes (« otites du nageur »), otites malignes.

FACTEURS DE RISQUE

Les facteurs de risque des infections à P. aeruginosa sont :
▶ l’immunodépression, les dialyses, les brûlures et plaies cutanées… ;
▶ les hospitalisations prolongées en service de réanimation ;
▶ une atteinte pulmonaire préexistante (mucoviscidose, bronchopathie chronique) ;
▶ une antibiothérapie antérieure (sélection du bacille pyocyanique) ;
▶ des contacts répétés avec un environnement aqueux (piscine par exemple) ;
▶ la présence de matériel (sonde d’intubation/ventilation, sonde urinaire, cathéters, prothèses…) = phénomène de biofilm.

Points clés
● Transmission exogène ou endogène.
● Infections nosocomiales/liées aux soins : ++ pneumopathies, infections urinaires, infections cutanées (brûlés).
● Rares infections communautaires (oculaires et ORL).
● Facteurs de risque : immunodépression, matériel (attention aux biofilms), affections préexistantes.  

DIAGNOSTIC

DIAGNOSTIC DIRECT

EXAMEN DIRECT

État frais (bacille mobile), coloration de Gram (petit bacille à Gram négatif).

CULTURE ET IDENTIFICATION

L’aspect en culture de P. aeruginosa est assez polymorphe. La croissance est aisée en 24 h à 37 °C. Une incubation prolongée permet de mettre en évidence notamment des P. aeruginosa mucoïdes.
Croissance en aérobiose uniquement. Culture possible sur milieux non sélectifs. La détection est facilitée par l’utilisation de la gélose sélective au cétrimide (ammonium quaternaire) qui favorise la production de pigments (développement de colonies fluorescentes de couleur vert-jaune). La réaction d’oxydase rapide peut aider à l’orientation.
L’identification de cette bactérie se fait principalement par technique MALDI-TOF.
Le sérotypage peut être effectué pour caractériser les souches (groupage avec l’antigène somatique O).

ANTIBIOGRAMME

Un antibiogramme doit être réalisé afin d’adapter le traitement. Il peut être réalisé en milieu liquide ou en milieu gélosé type Mueller-Hinton.

DIAGNOSTIC INDIRECT

Pas de diagnostic sérologique en pratique courante.

Points clés
● Bacille à Gram négatif, oxydase positive, « non fermentant ».
● Croissance aisée à 37 °C.
● Colonies pigmentées.
● Capacité de produire une pseudo-capsule engendrant des souches mucoïdes.
● Identification MALDI-TOF, antibiogramme.

SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES ET ANTIBIOGRAMME

P. aeruginosa possède différents mécanismes de résistance aux antibiotiques :
▶ présence d’une bêta-lactamase (céphalosporinase) AmpC ;
▶ faible perméabilité membranaire ;
▶ présence de pompes à efflux.
Cette bactérie présente de nombreuses résistances naturelles aux pénicillines G, V, A, M, aux C1G, C2G et certaines C3G (dont la ceftriaxone et le céfotaxime), à l’ertapénème, à la kanamycine, à la tétracycline, au triméthoprime, aux quinolones de 1re génération.
Ce bacille acquiert très facilement des résistances (souvent liées à une association de mécanisme) :
▶ aux bêta-lactamines : résistances enzymatiques (céphalosporinase hyperproduite, BLSE (bêta-lactamase à spectre étendu), carbapénémases), altération de la porine D2 qui engendre une résistance spécifique aux carbapénèmes (++ imipénème), surproduction de pompes à efflux ;
▶ aux autres antibiotiques : aminoglycosides ; fluoroquinolones (mutations sur les gènes codant les topo-isomérases (gyrases notamment) ; polymyxines (ex. colistine). Il existe des souches multirésistantes par combinaison de plusieurs mécanismes de résistance : souche MDR (Multi Drug Resistant) jusqu’à des souches « toto-résistante » (souche résistante à toutes les classes d’antibiotiques).

Points clés
● Nombreuses résistances naturelles (céphalosporinase AmpC, imperméabilité, pompes à efflux).
● Acquisition de résistances enzymatiques, surexpression de pompe à efflux, mutations des cibles.
● Cumul des mécanismes de résistance, développement de souches multirésistantes.

TRAITEMENT

Pour traiter P. aeruginosa, sont utilisés les antibiotiques suivants :
▶ bêta-lactamines : ceftazidime IV, pipéracilline-tazobactam IV, carbapénème IV (sauf ertapénème) ou, en cas de bactéries résistantes, de nouveaux antibiotiques ou de nouvelles associations peuvent être utilisées (ceftazidime-avibactam, ceftolozane-tazobactam, imipénème-relebactam ou la molécule sidérophore céfidérocol) ;
▶ fluoroquinolones : ciprofloxacine (IV, per os) à utiliser en association en raison des mutations fréquentes ;
L’ajout d’aminosides IV (amikacine) peut être nécessaire. La colistine IV est aussi utilisable en traitement de dernier recours.
Il existe des traitements inhalés par aérosol (colistine, aminosides).
Le traitement est à adapter aux résultats de l’antibiogramme.

PRÉVENTION

Certains réservoirs contenant P. aeruginosa (fleurs, eaux stagnantes…) sont interdits dans certains services hospitaliers. Les points d’eau sont surveillés par les services d’hygiène hospitalière.

La prévention de la transmission de P. aeruginosa dépend aussi du respect des procédures de soins et des méthodes de désinfection.

Points clés
● Principaux antibiotiques utilisés dans les infections à P. aeruginosa : ceftazidime, imipénème, ciprofloxacine, amikacine.
● Suppression des réservoirs (eaux stagnantes).
● Surveillance notamment par les services d’hygiène.