ORIENTATION DE LA RÉPONSE IMMUNE EN FONCTION DU TYPE D’AGENT INFECTIEUX ET PRINCIPAUX EFFECTEURS
L’orientation de la réponse immunitaire :
▶ se fait dès les premières phases de la réponse innée, en fonction des récepteurs activés et donc des cytokines secrétées lors de l’interaction avec les cellules dendritiques (ou macrophages) (figure I.9.1) ;
▶ permet de générer un nombre suffisant d’effecteurs immunitaires spécifiquement dédiés, capables de détruire l’agent infectieux ou la cellule infectée (en fonction du lieu de multiplication microbienne).
PRINCIPAUX CONTEXTES D’IMMUNODÉPRESSION
DÉFICITS IMMUNITAIRES CONGÉNITAUX
Ces déficits primaires et héréditaires, rares mais souvent graves, s’expriment dans la petite enfance.
Ils peuvent toucher :
▶ les grandes voies de la réponse immune (notamment déficits combinés = SCID ou agammaglobulinémies…) ;
▶ ou une voie particulière (ex. encéphalite herpétique par déficit sur une voie de signalisation de l’IFN-alpha).
DÉFAILLANCES DE BARRIÈRES NATURELLES
Elles peuvent résulter de brûlures étendues (perte de l’effet barrière de la peau), d’asplénies fonctionnelles (drépanocytose, thalassémies…) ou de splénectomies.
DÉFICITS IMMUNITAIRES MÉDICAMENTEUX
Certains traitements génèrent un déficit immunitaire plus ou moins important :
1. Les traitements immunosuppresseurs. Ils sont utilisés en prévention de la réaction allogénique ou dans les maladies auto-immunes sévères, et :
▶ ont une action antiproliférative sur les lymphocytes ou diminuent les effets de l’IL-2, donc limitent l’expansion clonale ;
▶ touchent plus particulièrement la prolifération des lymphocytes T CD+ (lymphocytes T cytotoxiques) et des lymphocytes CD4+ de type TH1 ;
2. Les traitements immunomodulateurs, seuls ou en complément des traitements immunosuppresseurs :
▶ corticothérapies au long cours ;
▶ mécanismes mal connus, avec diminution de la phagocytose, modification du trafic cellulaire…
3. Les biothérapies ciblées sur certaines cytokines (Ac anti- TNF alpha par exemple) ou sur certains effecteurs (Ac anti-CD20 par exemple) ;
4. Les chimiothérapies anticancéreuses, dont certaines induisent une neutropénie.
DÉFICITS IMMUNITAIRES TRANSMIS : INFECTION PAR LE HIV
▶ Lymphopénie T CD4 (cellule cible principale du virus) associée à un épuisement progressif du système immunitaire, car mutations permanentes du virus (échappement à l’action des effecteurs immunitaires).
▶ Le risque infectieux est directement lié au taux résiduel de lymphocytes T CD4 + dans le sang périphérique.
DÉFICITS IMMUNITAIRES MULTIFACTORIELS : COMBINAISON DE PLUSIEURS MÉCANISMES
1. P roliférations hématologiques cancéreuses :
▶ responsables de cytopénies par envahissement de la moelle osseuse par les cellules anormales => diminution de l’hématopoïèse physiologique ;
▶ le mécanisme du déficit immunitaire diffère en fonction de la pathologie :
▪ leucémies aiguës : insuffisance médullaire très marquée, avec neutropénie +++,
▪ hémopathies lymphoïdes matures (myélome multiple, leucémie lymphoïde chronique) : hypogammaglobulinémie +++,
▶ Les effets neutropéniants des chimiothérapies se surajoutent.
2. Transplantation d’organes solides et allogreffes de cellules souches hématopoïétiques :
▶ traitement immunosuppresseur (+/– traitement immunomodulateur par corticoïdes) pour prévenir la réaction allogénique : pour éviter le rejet du greffon dans le cas des transplantations d’organes solides, ou prévenir la réaction du greffon contre l’hôte (GvH) dans le cas des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ;
▶ le risque infectieux évolue en fonction de la période après la greffe : il est majeur dans les premiers mois suivant la greffe car se surajoutent une neutropénie initiale lors des allogreffes de CSH (en lien avec le conditionnement) et le risque infectieux bactérien post-opératoire pour les greffes d’organes solides.
AUTRES SITUATIONS D’IMMUNODÉFICIENCE
1. Maladies chroniques associées à une diminution des capacités immunitaires :
▶ diabète, éthylisme chronique, cirrhose, insuffisance rénale chronique ;
▶ associées à une altération du chimiotactisme et des mécanismes de phagocytose.
2. Immunodéficiences physiologiques :
▶ âges extrêmes de la vie (immaturité immunitaire du nouveau- né, immunosénescence chez le sujet âgé) ;
▶ grossesse.
PRINCIPAUX AGENTS INFECTIEUX IMPLIQUÉS
DEUX GRANDS TYPES D’AGENTS INFECTIEUX
AGENTS DIT PATHOGÈNES
▶ agents infectieux dont le pouvoir pathogène s’exprime quel que soit le « niveau » de l’immunité (infections dites communautaires) ;
▶ les infections provoquées sont volontiers récidivantes et plus sévères que chez l’immunocompétent.
AGENTS DIT PATHOGÈNES OPPORTUNISTES
▶ agents infectieux dont le pouvoir pathogène ne s’exprime que chez le sujet immunodéprimé (infections dites opportunistes).
Ces agents infectieux sont :
• d’origine exogène : Pneumocystis jirovecii, Aspergillus spp., Pseudomonas aeruginosa par exemple ;
• ou d’origine endogène : virus responsables d’infections persistantes et notamment cytomégalovirus, Toxoplasma gondii par exemple.
LA NATURE DES COMPLICATIONS INFECTIEUSES DÉPEND DU TYPE D’IMMUNODÉPRESSION SOUS-JACENT
NEUTROPÉNIES
▶ le plus souvent liées aux chimiothérapies et hémopathies malignes, elles surviennent également dans des contextes toxiques (agranulocytoses médicamenteuses) ou génétiques ;
▶ exposent aux infections par tous les agents infectieux à localisation extracellulaire, notamment bactéries « commensales » d’origine digestive, urinaire, respiratoire et cutanée.
DÉFICITS DE L’IMMUNITÉ HUMORALE
▶ regroupent les déficits en immunoglobulines ou en complément, les asplénies/splénectomies, myélome multiple et leucémies lymphoïdes chroniques, traitements par Ac anti-CD20 ;
▶ exposent aux infections par des germes à localisation extracellulaire : bactéries (capsulées notamment, dont pneumocoque +++ et méningocoque), levures.
DÉFICITS DE L’IMMUNITÉ CELLULAIRE
▶ essentiellement observés au cours de l’évolution de l’infection par le HIV et après allogreffes, très fréquentes et sévères dès que le taux de CD4 est < 200/mm3 ;
▶ exposent aux infections par des agents infectieux intracellulaires : virus ++ et bactéries/parasites se multipliant dans les phagocytes mononucléés (intra-vésiculaires) : mycobactéries, Listeria, Legionella, Toxoplasma, Pneumocystis, Cryptococcus…
PARTICULARITÉS DES PATIENTS IMMUNODÉPRIMÉS INFECTÉS
AU NIVEAU DE LA PRÉVENTION
1. Une mesure est commune à toute la population, il s’agit de la vaccination :
▶ pas de vaccin vivant atténué +++ (contre-indication) ;
▶ vaccins recommandés (même si efficacité diminuée dans ces populations) : pneumocoque, grippe, mise à jour de tous les vaccins habituels.
2. Chimioprophylaxies ciblées en cas de lymphopénies T CD4 + (très important si < 200 /mm3) :
▶ pneumocystose par cotrimoxazole ;
▶ herpès simplex et zona par valaciclovir ;
▶ Cytomegalovirus par valganciclovir.
AU NIVEAU DE LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
▶ Le diagnostic biologique est indispensable pour décider du type de traitement à effectuer, car les symptômes sont souvent limités à une hyperthermie et les infections sont sévères et évoluent très rapidement (mise en jeu du pronostic vital).
▶ Il faut privilégier les méthodes de diagnostic biologique direct = mettre en évidence l’agent infectieux sur un prélèvement sanguin et/ou sur un liquide biologique ou un organe/ tissu en lien avec les symptômes observés.
▶ La recherche des anticorps (sérologie) n’a pas ou très peu d’intérêt sauf pour déterminer le statut immunitaire et identifier ainsi les patients risquant de développer une maladie (ex. sérologie CMV en prégreffe chez le donneur et le receveur).
AU NIVEAU DU TRAITEMENT CURATIF
1. Traitement de la cause ou correction du déficit immunitaire :
▶ hypogammaglobulinémies : gammaglobulines IV ;
▶ neutropénies : facteurs de croissance hématopoïétiques type G-CSF ;
▶ infection par le HIV : traitements antirétroviraux ;
▶ hémopathies malignes : anticancéreux.
2. Traitement de l’infection :
▶ antibiothérapies probabilistes à large spectre dès la suspicion d’infection, puis adaptation en fonction du pathogène identifié ;
▶ antibiotiques/antifongiques/antiviraux (disponibles pour infections herpétiques et grippe).
Points clés ● La nature des agents infectieux et leur localisation dans l’organisme orientent la réponse immunitaire spécifique. ● Le type de complication infectieuse (bactérienne, fongique et/ou virale) va dépendre de la ou des voies de la réponse immune qui sont affectées. ● Chez le sujet immunodéprimé, les infections sont sévères, de symptomatologie peu typique et doivent être prises en charge en urgence => se méfier de toute hyperthermie chez ce type de patient. ● Le risque infectieux est majeur dans les cas suivants : déficits immunitaires primaires (congénitaux), neutropénies (< 1G/L) et lymphopénies en T CD4 (taux < 200/mm3) au cours du SIDA ou des traitements immunosuppresseurs chez les receveurs d’allogreffes (organes solides et cellules souches hématopoïétiques). |