Infections virales hépatiques

Une hépatite désigne tout processus inflammatoire du tissu hépatique caractérisé par une nécrose tissulaire avec relargage des enzymes hépatiques, entraînant une baisse plus ou moins sévère des fonctions du foie. L’hépatite est dite aiguë lorsque le contact du virus avec l’organisme induit une réponse immunitaire permettant la guérison rapide, ou chronique lorsqu’elle persiste au-delà de 6 mois après le début de l’infection. Les causes les plus fréquentes des hépatites aiguës sont les infections virales et les intoxications, médicamenteuses ou non. Les principales causes d’hépatites chroniques sont l’alcoolisme, la stéato-hépatite non alcoolique (NASH) et les infections virales (HBV [virus de l’hépatite B], HCV [virus de l’hépatite C], HDV* [virus de l’hépatite D], HEV* [virus de l’hépatite E]).

CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES (SÉMIOLOGIE)

Les hépatites virales représentent un enjeu de santé publique mondial avec :
▶ 2 milliards de sujets infectés par le virus de l’hépatite B (HBV) dont 300 millions de porteurs chroniques ;
▶ 10 à 20 millions de porteurs chroniques du virus de l’hépatite D* (HDV) ;
▶ 58 millions de porteurs chroniques du virus de l’hépatite C (HCV) ;
▶ 1 million de décès par an sont liés à une hépatite virale.

L’évolution de ces infections virales hépatiques peut se documenter sous quatre formes cliniques :
▶ une hépatite asymptomatique ou paucisymptomatique. La grande majorité des hépatites virales est asymptomatique, c’est-à-dire ne présente aucun symptôme ;
▶ une hépatite aiguë dans laquelle se succèdent 3 phases cliniques. La première est une phase d’incubation de durée variable selon le virus : de 15 jours minimum pour le HAV (virus de l’hépatite A) à 180 jours maximum pour le HBV. Survient ensuite une phase préictérique qui peut être asymptomatique ou associer à un syndrome pseudo-grippal et des troubles digestifs durant 3-15 jours. Puis enfin apparaît une phase d’état comportant un tableau clinico-biologique de dysfonctionnement hépatique (ictère cutanéo-muqueux, décoloration des selles et brunissement des urines) avec une altération de l’état général et des signes inflammatoires. La phase de convalescence évolue soit vers la guérison, soit vers l’hépatite chronique ;
▶ une hépatite fulminante (rare) avec une nécrose hépatique massive entraînant un risque hémorragique majeur marqué par un effondrement du taux de prothrombine. À ce stade, le pronostic est sévère et une transplantation hépatique est nécessaire ;
▶ une hépatite chronique qui peut être la complication la plus fréquente selon le virus. Une hépatite est dite chronique si elle persiste plus de 6 mois.
Il est à noter que 20 à 25 % des hépatites chroniques évoluent vers la cirrhose si elles ne font l’objet d’aucun traitement, si le traitement n’agit pas pleinement ou n’est pas bien suivi. Le cancer du foie est la complication ultime d’une cirrhose. Le risque d’évolution vers la cirrhose et l’hépatocarcinome sont multipliés par 200 en cas d’hépatite virale chronique. Il est nécessaire de souligner également que les mécanismes des lésions hépatiques ne sont toujours pas élucidés pour tous les virus. Le plus souvent, les lésions hépatiques sont la conséquence de la réaction inflammatoire de l’hôte plutôt que d’un effet cytotoxique direct du virus. Enfin, il n’existe pas d’immunités croisées contre les différents virus responsables d’hépatites et les co-infections ou surinfections sont possibles.

Points clés
Les infections virales hépatiques sont, avec les médicaments, les causes les plus fréquentes des hépatites aiguës. Les infections HBV et HCV peuvent évoluer vers une infection chronique responsable à long terme d’une cirrhose et d’un hépatocarcinome.

AGENTS ÉTIOLOGIQUES ET DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE

Les agents étiologiques pour les infections virales hépatiques regroupent les virus à tropisme prépondérant pour les hépatocytes (HAV, HBV, HCV, HDV*, HEV*) (tableau I.8.1) mais aussi les virus non hépatotropes pouvant entraîner des hépatites (CMV [cytomégalovirus], EBV*, HSV [virus herpès simplex], HIV [virus de l’immunodéficience humaine], adénovirus*…).
Les virus à tropisme hépatique peuvent montrer de grandes différences en termes de type de génome, de mode de transmission, et de capacité à induire une infection chronique (tableau I.8.1). Il est possible néanmoins de distinguer d’un côté le HAV et le HEV* par un mode de transmission principalement féco-orale et une absence de développement d’hépatites chroniques, à l’exception des hépatites E chroniques des immunodéprimés ; de l’autre côté, les infections liées aux HBV, HCV et HDV* entraînent des formes chroniques avec des fréquences variables. Notons également que le virus de l’hépatite D* est un virus satellite, c’est-à-dire qu’il nécessite la présence d’une infection par le HBV pour assurer sa réplication (tableau I.8.1).

Tableau I.8.1 Caractéristiques des infections par les principaux virus hépatotropes.


Le diagnostic de ces infections virales hépatiques doit associer l’évaluation du retentissement de l’atteinte hépatique par des tests biochimiques tels que la recherche d’une :
▶ cytolyse hépatique correspondant à une augmentation des transaminases (ALAT [alanine aminotransférase] et ASAT [aspartate aminotransférase]) ;
▶ cholestase avec augmentation de la bilirubine conjuguée ;
▶ insuffisance hépatique (surtout en cas d’hépatite chronique et marqueur ultime des formes fulminantes) avec diminution des facteurs de coagulation, du taux de prothrombine (TP) et de l’albumine.
Selon le virus suspecté, le diagnostic étiologique repose soit sur un diagnostic viral indirect (recherche des anticorps), soit sur un diagnostic viral direct (recherche du génome viral ou d’un antigène viral) (tableau I.8.2).

Tableau I.8.2 Tests diagnostiques pour les principaux virus hépatotropes.


En cas d’hépatite virale chronique, une évaluation de l’atteinte hépatique est envisagée. La méthode de référence est l’examen histologique du foie par une méthode invasive après une ponction biopsie hépatique (PBH). Elle permet de déterminer le score Métavir qui évalue le stade de fibrose et l’activité inflammatoire de F0 (pas de fibrose) à F4 (cirrhose à partir de F3) et de A0 (pas d’inflammation) à A3 (inflammation intense). En raison de son caractère invasif, l’utilisation de la PBH tend à disparaître dans cette indication, au profit de méthodes non invasives :
▶ en 1ère intention, le Fibroscan®, qui mesure l’élasticité du foie par impulsion ultrasonore ;
▶ de nombreux scores établis à partir de marqueurs sanguins (Fibrotest®, Fibrometer®, FIB-4, APRI…).

Points clés
Les virus hépatotropes se distinguent par leur variété de modes de transmission et d’évolution suite à une infection virale, rendant le diagnostic et le suivi particulier à chaque type de virus des hépatites.

TRAITEMENT

Le traitement curatif à partir d’antiviraux n’est envisagé que pour les infections virales hépatiques chroniques.
▶ Pour le HAV et le HEV*, les traitements sont symptomatiques, excepté pour les formes chroniques du HEV* avec l’administration de la ribavirine pendant 3 mois.
▶ Pour les infections chroniques par le HBV, le HCV et le HDV*, des traitements par des agents antiviraux directs sont proposés (voir III.8 et III.9).
▶ Pour les hépatites fulminantes, la prise en charge a lieu en réanimation et la seule issue est la transplantation hépatique.

Points clés
Le traitement des hépatites chroniques est à la fois symptomatique et curatif pour les infections virales chroniques avec des antiviraux spécifiques ne permettant pas toujours une éradication virale de l’organisme.

PRÉVENTION

Les moyens de prévention pour les infections virales hépatiques sont de deux ordres :
▶ la prévention primaire avec la vaccination contre le HAV et le HBV, des stratégies pour assurer la sécurité transfusionnelle (HBV, HCV, HEV*), la sécurité sanitaire des aliments (HAV et HEV*) et les programmes d’échanges de seringues pour les toxicomanes IV (HCV, HBV) ;
▶ la prévention secondaire avec le dépistage et le diagnostic précoce de ces infections virales hépatiques. Le dépistage de l’infection par le HBV de toutes les femmes enceintes est recommandé lors de la déclaration de grossesse à 10 SA. Il permet de proposer précocement un traitement antiviral direct en fin de grossesse associé à une sérovaccination de l’enfant dans ses premières heures de vie. Grâce à ce protocole, le risque de transmission mère-enfant lors de l’accouchement est réduit à moins de 1 % en France.