Les influenzavirus sont responsables des grippes humaines saisonnières et pandémiques, ainsi que d’épizooties principalement aviaires avec des virus faiblement ou hautement pathogènes.
TAXONOMIE
Les influenzavirus appartiennent à la famille des Orthomyxoviridae qui comprend 4 genres : Influenzavirus A, B, C et D.
Plusieurs espèces infectent les humains : Influenza A virus, Influenza B virus sont les plus communs. Les Influenza C virus et Influenza D virus sont rares. Nomenclature des souches : A/Hong Kong/4801/2004 (H3N2) ou B/Brisbane/60/2008, précisant le type/lieu d’origine/numéro de cahier/année d’isolement/type H et N pour les Influenza A virus.
Influenza A virus : ces virus sont largement distribués chez les animaux et les oiseaux en particulier. Les types d’Influenza A virus sont définis par leur composition en hémagglutinine (H/HA) et neuraminidase (N/NA) : H1N1, H3N2, H5N1…
▶ H1N1 et H3N2 sont les principaux sous-types de grippe A circulants chez l’Homme (on parle de virus saisonniers), mais 132 autres sous-types sont décrits.
▶ H5N1, H5N8 et H7N9 sont essentiellement zoonotiques mais particulièrement surveillés car ils font partie des virus influenza hautement pathogènes (associés aux HA de type 5 et 7).
Influenza B virus : 2 lignages cocirculaient chez les virus de type B : B-Yamagata et B-Victoria. Depuis 2020, seuls des virus du lignage Victoria ont circulé parmi les virus de type B.
STRUCTURE
Les virus influenza sont des virus de taille moyenne 100 nm environ.
Ce sont des virus enveloppés (donc fragiles en milieu extérieur). L’enveloppe porte 2 types de glycoprotéines d’enveloppe HA (trimère) et NA (tétramère) et une protéine transmembranaire M2 (protéine de matrice). Il existe pour l’ensemble des virus influenza A (humains + animaux) :
▶ 18 hémagglutinines (HA) différentes (H1 à H18).
▶ 12 neuraminidases (NA) différentes (N1 à N12).
L’enveloppe est associée sur sa face interne à une matrice protéique de matrice M1.
Les capsides sont hélicoïdales et protègent chacune un segment génomique. Le génome est un ARN simple brin de 13 000 nt au total, linéaire, de polarité négative, segmenté (8 segments pour A et B, 7 pour C). Globalement, chaque segment code une protéine.
RÉPLICATION
L’adsorption du virus sur les cellules survient lors de l’interaction entre l’HA virale et les glycoprotéines de la membrane cellulaire porteuses d’acides sialiques (acides sialiques en conformation alpha 2-6 pour les virus humains et en conformation alpha 2-3 pour les virus aviaires) de la membrane cytoplasmique. Le virus entre dans la cellule par une vacuole d’endocytose. L’acidification du contenu des endosomes tardifs (via la protéine M2 qui constitue un canal à protons) conduit à la décapsidation. La réplication du génome viral est intranucléaire. L’amorçage de la transcription se fait par une capture de la coiffe d’un ARNm cellulaire. Les différents constituants du virus s’assemblent ensuite et la sortie survient par bourgeonnement de la membrane plasmique. La libération des particules virales nécessite l’activité sialidase de la NA du virus.
VARIATIONS GÉNÉTIQUES
Deux grands types de modifications génétiques sont décrits chez les virus influenza :
▶ glissements antigéniques (drift) : ils concernent les virus de type A et de type B. Ils surviennent par accumulation progressive de mutations ponctuelles suite à des erreurs de réplication par l’ARN polymérase virale ;
▶ sauts antigéniques (shift) : ils ne concernent que les virus de type A. Ils surviennent lors de l’acquisition par le virus d’une nouvelle HA (± NA) par réassortiment génétique (échange de segments génétiques entre souches humaines et animales). Ceci suppose une co-infection cellulaire par deux virus différents (un adapté à l’humain, l’autre à l’animal et donneur d’une nouvelle HA) ou l’adaptation d’un virus animal à l’humain. Le vecteur intermédiaire peut être le porc. C’est l’exemple des grippes pandémiques de 1957 (asiatique, H2N2), 1968 (Hong Kong, H3N2) et 2009 (mexicaine, H1N1).
L’acquisition d’une nouvelle HA peut également survenir par un mécanisme de transmission directe d’un virus animal (aviaire en général) à l’Homme. Cela est possible suite à l’acquisition par le virus aviaire de quelques mutations sur le site de liaison des acides sialiques de l’HA qui lui permettent alors de reconnaître les acides sialiques en conformation alpha 2-6. C’est l’exemple de la grippe pandémique dite espagnole de 1918 (H1N1).
PHYSIOPATHOLOGIE
▶ Tropisme : épithélium respiratoire haut et bas (les récepteurs des virus sont les acides sialiques présents à la surface des cellules épithéliales sur lesquels va se fixer l’HA).
▶ Réservoir :
▪ pour l’Influenza A virus, le réservoir est principalement aviaire (avec une grande diversité : 18 HA et 12 NA différentes), animaux sauvages ou de compagnie, humain. Le virus est essentiellement présent chez les oiseaux aquatiques sous formes d’infections digestives asymptomatiques. Des formes symptomatiques ou létales existent (essentiellement avec les virus influenza aviaires hautement pathogènes) dans l’avifaune sauvage ou les élevages ;
▪ pour les virus Influenza B et C, réservoir principalement humain.
▶ Transmission interhumaine respiratoire très efficace : via la toux, les éternuements, mais aussi manuportée (persistance virale limitée à quelques heures dans un environnement sec).
▶ Excrétion prolongée chez les enfants (10 jours versus environ 7 jours chez l’adulte).
▶ Grippe saisonnière : due aux virus de type A ou de type B ; plusieurs virus de grippe peuvent circuler la même année. Après une courte incubation de 24 à 48 h, syndrome grippal franc (fièvre, céphalées, myalgies, arthralgies, asthénies liées à la production d’interféron antiviral endogène, principalement IFN-alpha) associé à des signes respiratoires hauts (toux, catarrhe, rhinopharyngite, conjonctivite). Guérison spontanée en 5-7 jours. Possibles complications, surtout chez les patients âgés ou avec des pathologies préexistantes (respiratoires, cardiaques), mais aussi les obèses et les femmes enceintes. Risque de surinfection bactérienne (ORL [oto-rhino-laryngologie] ou pulmonaire), myosite, complications neurologiques, myocardite. Les virus de type C donnent en général des formes bénignes.
▶ Grippe maligne : complication rare mais grave observée lors des grippes saisonnières et pandémiques. Elle se traduit par un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) au 2e jour, défaillance multiviscérale. Pas de facteur de risque préexistant.
▶ Grippe pandémique : symptomatologie identique, mais souvent plus sévère. Épidémie répartie sur plusieurs continents avec infection de la quasi-totalité de la population exposée. Survient de façon aléatoire lorsqu’émerge un Influenza A virus porteur de nouveaux antigènes de surface (HA et/ou NA) contre lesquels la population n’est pas ou plus immunisée. Le nouveau virus est produit par réassortiment spontané des segments génomiques lors de co-infections chez l’animal ou l’humain. Il peut s’agir également d’un passage à l’humain d’un virus animal (souvent aviaire). Dernières pandémies : H1N1 en 1918, H2N2 en 1957, H3N2 en 1968, H1N1 variant en 2009.
▶ Influenza aviaire : infections par un virus d’origine aviaire (zoonose) chez des sujets exposés aux oiseaux en particulier les élevages (poules, dindes, canards). L’infection est souvent sévère avec les virus hautement pathogènes (H5N1, H7N9) et atteint l’appareil respiratoire bas (pneumopathie car il existe chez l’homme des acides sialiques en conformation alpha 2-3 (reconnus par les virus aviaires) dans les voies respiratoires basses. Ces infections présentent un risque important de détresse respiratoire aiguë et de dissémination du virus dans l’organisme (virémie = présence du virus dans le sang). La transmission interhumaine de ces virus reste très faible, mais la circulation de ces virus chez l’Homme fait craindre une adaptation de ces virus aux récepteurs en conformation alpha 2-6 qui pourrait conduire à un risque pandémique majeur.
DIAGNOSTIC
DIAGNOSTIC DIRECT
Approche de choix pour les infections respiratoires car infections aiguës.
▶ Prélèvement respiratoire haut (écouvillonnage nasopharyngé ou aspiration nasopharyngée) et/ou bas (LBA [lavage bronchoalvéolaire] ou aspiration trachéobronchique), selon la clinique. Transport des échantillons en milieu de transport pour les écouvillons et en tube stérile pour les autres, à + 4 °C.
▶ RT-PCR (Reverse Transcriptase-Polymerase Chain Reaction) : ++++, sur tous les types de prélèvements. Très utilisée, très bonne sensibilité, distingue les virus de grippe A ou B. Résultats disponibles en 1 à 6 h selon les techniques.
▶ Possibilité de PCR (Polymerase Chain Reaction) multiplex détectant plusieurs virus ± bactéries respiratoires (tests syndromiques) en particulier en cas de SDRA chez patients en réanimation.
▶ Détection d’antigènes : immunochromatographie (tests rapides d’orientation diagnostic [TROD]), résultats disponibles en 15 à 30 minutes, moins sensibles que la RT-PCR.
Autres techniques possibles : IF (immuno-fluorescence), ELISA (Enzyme Linked Immuno-Sorbent Assay). Plus longs, résultats disponibles en quelques heures, moins sensibles que la RT-PCR, peu utilisés.
▶ Culture sur cellules : peu utilisée. Bonne sensibilité mais long (3 à 5 j). Intérêt pour la réalisation de tests de sensibilité aux inhibiteurs de neuraminidase (antivirogramme) et pour la caractérisation antigénique des souches circulantes (épidémiologie).
DIAGNOSTIC INDIRECT
Possible mais très peu utilisé (Ac [anticorps] antivirus grippe A et Ac antivirus grippe B par test ELISA) mais d’intérêt très limité (contrôle de vaccination).
TRAITEMENT
▶ Symptomatique le plus souvent (repos, antipyrétique, lavage de nez… parfois réanimation). Pas d’antibiothérapie sauf surinfections bactériennes ou terrains particuliers. Pas d’aspirine surtout chez l’enfant, risque de syndrome de Reye (encéphalite + hépatopathie), privilégier le paracétamol.
▶ Spécifique : oseltamivir per os. Inhibiteurs de la neuraminidase virale (clive le lien entre HA et les récepteurs porteurs d’acides sialiques) conduisant à un défaut de libération des virions. À administrer le plus tôt possible après le début des symptômes ou de l’exposition (dans les 48 h sauf si forme sévère) ; non recommandés hors traitement préventif en situation pandémique (HAS, juin 2020). Possibles résistances virales (rares). Les inhibiteurs de la décapsidation (amantadine, anticanal M2) ne sont plus utilisés. Nouvel antiviral spécifique (pas encore commercialisé en France) : baloxavir-marboxil, inhibiteur du complexe polymérase du virus, per os en dose unique.
PRÉVENTION
Le vaccin annuel contre la grippe saisonnière est recommandé chez les sujets de plus de 65 ans, les sujets à risques et les femmes enceintes. Il est également recommandé chez les professionnels de santé (vaccination dite « altruiste »).
Une administration, renouvelée tous les ans du vaccin grippal (du fait du changement de composition du vaccin et de son efficacité limitée dans le temps) est pratiquée.
Vaccins disponibles :
▶ vaccins saisonniers sont tous quadrivalents : 2 virus de type A (H1N1 et H3N2) et 2 de type B (B-Yamagata et B-Victoria) ; un retour vers un vaccin trivalent pourrait être envisagé du fait de la disparition des virus B-Yamagata depuis 2020 ;
▶ vaccin inactivé quadrivalent injectable, contenant 15 μg de chaque antigène (principaux vaccins utilisés ; indiqués à partir de 6 mois) ;
▶ vaccin inactivé quadrivalent injectable, contenant 60 μg de chaque antigène (indiqués chez les sujets de plus de 65 ans uniquement).
En développement : vaccins atténués quadrivalents administrables par voie nasale recommandés chez les enfants (24 mois à 17 ans), pas encore disponibles en France en 2023.
Vaccin contre la grippe pandémique : pour limiter la propagation d’un virus pandémique identifié (cas du H1N1 variant en 2009).
Mesures d’hygiène universelles : lavage des mains, mouchoirs jetables, toux dans le coude ou port d’un masque antiprojections (dit « chirurgical »), isolement « gouttelettes ».
Contrôles des épizooties, vaccination aviaire et mesures sanitaires pour les éleveurs de volailles.