Herpès simplex virus

Les virus herpès simplex de type 1 (HSV-1) et de type 2 (HSV- 2) sont des virus ubiquitaires pouvant infecter uniquement l’Homme.

CARACTÉRISTIQUES VIROLOGIQUES

TAXONOMIE

Famille des Herpesviridae, sous-famille Alphaherpesvirinae, genre Simplexvirus. Virus ubiquitaires strictement humains (nom officiel Human alphaherpesvirus 1 et 2). Les virions sont formés d’un ADN double brin linéaire protégé par une capside icosaédrique, elle-même entourée d’un tégument et enfin d’une enveloppe hérissée de glycoprotéines virales.

STRUCTURE DU VIRUS

LA NUCLÉOCAPSIDE

Le génome des HSV est un ADN bicaténaire linéaire d’environ 150 000 paires de bases, ce qui lui permet de coder plus de 90 protéines différentes. Il est composé de deux régions uniques, une longue que l’on nomme UL et une courte, que l’on nomme US (pour short). Le génome peut se circulariser grâce à des séquences répétées inversées terminales et constituer un épisome.
La capside des HSV est un icosaèdre d’environ 100 nm de diamètre, composée de 162 capsomères.

LE TÉGUMENT

La nucléocapside est entourée d’un tégument, composé de nombreuses protéines (virales et cellulaires) et d’ARN. Les protéines virales sont majoritairement phosphorylées et ont un rôle dans la morphogenèse du virion et dans la régulation de la phase très précoce de l’infection, après la pénétration du virus dans le cytoplasme.

L’ENVELOPPE VIRALE

L’enveloppe est composée d’une double couche de phospholipides provenant des membranes cellulaires, et dans laquelle sont enchâssées au moins 13 glycoprotéines transmembranaires d’information virale. L’enveloppe confère à la particule virale une sensibilité particulière aux solvants des lipides, au pH acide et à la chaleur.

TROPISME, MULTIPLICATION ET RÉPLICATION

In vivo, HSV-1 et HSV-2 ont un tropisme pour les cellules épithéliales et les neurones. La porte d’entrée d’HSV-1 est classiquement au niveau des cellules épithéliales de la cavité buccale, alors qu’HSV-2 infecte la sphère génitale. Après multiplication, les virus entrent en phase de latence. Le site de latence d’HSV-1 est alors le ganglion trigéminal (ganglion du nerf trijumeau), et le ganglion sacré pour HSV-2. Cependant, HSV-1 peut être présent au niveau de la sphère génitale et alors entrer en latence dans le ganglion sacré, et HSV-2 au niveau buccal. Au laboratoire, in vitro, ils infectent de nombreux types cellulaires, y compris des cellules non humaines. Après l’entrée du virus dans la cellule, la nucléocapside est acheminée à la membrane nucléaire et le génome pénètre dans le noyau où il se circularise. Les gènes viraux seront transcrits et traduits en trois phases successives et coordonnées : très précoce, précoce et tardif. La réplication du génome a lieu dans le noyau, grâce à l’ADN polymérase, selon le modèle du cercle roulant. Les nouveaux génomes viraux sont encapsidés dans le noyau. L’acquisition de l’enveloppe virale définitive se fait dans le cytoplasme suite à un remodelage majeur des membranes des organites cellulaires. Le virus sort ensuite de la cellule par exocytose.

Points clés
HSV-1 et HSV-2 sont des virus à ADN enveloppés strictement humains de la famille des Herpesviridae. Leur cycle de multiplication se déroule en trois phases : très précoce, précoce et tardive. La réplication a lieu dans le noyau et est sous la dépendance de l’ADN polymérase virale.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

MODES DE TRANSMISSION

HSV-1 et HSV-2 se transmettent par contacts directs et étroits entre personnes. Ils sont présents dans la salive, les larmes, les sécrétions génitales et surtout au niveau des lésions. La transmission d’HSV-1 peut s’effectuer par les baisers, via la salive ou par contact avec les lésions orolabiales. HSV-1 et HSV-2 peuvent se transmettre lors des rapports sexuels non protégés ou au cours de l’accouchement lors du passage du nouveau- né dans la filière génitale. Il n’y a pas de transmission au cours de la latence, mais le virus est excrété au cours des réactivations, symptomatiques ou pas. Le risque de transmission le plus important est en présence de lésions évolutives, car la charge virale est plus élevée.

PRÉVALENCE DANS LE MONDE ET EN FRANCE

La séroprévalence d’HSV-1 varie de 50 à 95 %, et celle d’HSV- 2, de 10 à 60 % en fonction des pays. En France, des séroprévalences d’environ 70 % pour HSV-1 et 15 % pour HSV-2 sont retrouvées dans la population générale adulte. L’herpès génital est une infection sexuellement transmissible (IST) dont l’incidence augmente avec l’âge et le nombre de partenaires. L’infection par HSV-1 n’empêche pas une surinfection par HSV-2 et inversement. Dans les pays en développement, l’infection par HSV-1 se produit dans les premières années de vie. À l’âge adulte, la séroprévalence atteint 90 à 100 % dans la plupart de ces pays.
Dans les pays industrialisés, la prévalence est plus faible et augmente avec l’âge. Il est ainsi possible de retrouver HSV-1 au niveau génital du fait de contacts sexuels (génitaux ou orogénitaux). Actuellement, plus d’une primo-infection génitale herpétique sur trois est due à HSV-1 dans les pays industrialisés.

Points clés
La transmission d’HSV se fait via la salive, les rapports sexuels ou au cours de l’accouchement. L’herpès génital est une IST due à HSV-2 mais également à HSV-1.

PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES

L’histoire naturelle de l’infection débute par une primo-infection, avec une multiplication virale dans les cellules épithéliales au niveau de la porte d’entrée. Le virus infecte ensuite les neurones sensitifs via les terminaisons nerveuses. Les nucléocapsides sont transportées jusqu’aux noyaux des neurones de ganglions sensitifs périphériques (ganglion trigéminal pour l’entrée au niveau oral, ganglion sacré pour l’entrée au niveau génital). Le virus y établit sa latence après circularisation de son génome sous forme d’épisome (pas d’intégration au génome cellulaire, pas de multiplication virale).
Des épisodes réguliers de réactivation peuvent se produire, à la suite d’un stimulus : fatigue, fièvre, à l’occasion d’un stress, d’une exposition au soleil ou des menstruations. Ils sont associés ou non à des symptômes. Les réactivations peuvent aussi se produire à l’occasion d’une immunodépression. Elles aboutissent à la fabrication dans les neurones de nucléocapsides qui vont être transportées le long de l’axone jusqu’aux terminaisons nerveuses afin de libérer de nouvelles particules virales. L’excrétion virale (et donc le risque de transmission entre individus) est importante en phase de primo-infection ou de réactivation, mais théoriquement nulle en phase de latence.

HERPÈS ORAL

La primo-infection par HSV-1 au niveau buccal est généralement asymptomatique. Elle se produit souvent chez le jeune enfant. Dans un cas sur 10, elle se traduit par une gingivostomatite (multiples vésicules douloureuses dans la bouche et sur les lèvres) qui s’accompagne de fièvre, de difficulté à s’alimenter (en raison de la douleur) et d’adénopathies cervicales. Les réactivations asymptomatiques sont fréquentes. La récurrence clinique donne lieu à l’herpès labial, ou bouton de fièvre, qui consiste en un bouquet unilatéral de vésicules sur la jonction cutanéo-muqueuse (bord des lèvres). Les récidives d’herpès labial sont fréquentes en raison de la persistance du génome d’HSV-1.

HERPÈS GÉNITAL

Dans deux tiers des cas, l’infection au niveau génital est inapparente ou non reconnue. Dans un tiers des cas la primo- infection entraîne l’apparition de vésicules douloureuses ulcératives sur les organes génitaux externes et s’accompagne de fièvre et d’adénopathies inguinales. Les lésions sont le plus souvent présentes au niveau de la vulve mais peuvent aussi s’observer au niveau du vagin, du pénis, du périnée ou des fesses. HSV-1 est de plus en plus souvent impliqué dans l’herpès génital, mais les récurrences cliniques seraient moins fréquentes avec HSV-1 qu’avec HSV-2. L’excrétion virale asymptomatique constitue la source majeure de transmission.

PATHOLOGIES GRAVES

ATTEINTES OCULAIRES (KÉRATO-CONJONCTIVITES)

L’atteinte oculaire peut se manifester par une atteinte de la conjonctive et peut également toucher la cornée, dans un contexte de malaise et de fièvre. L’atteinte est toujours unilatérale. Elle est le plus souvent due à HSV-1. C’est une infection grave car il y a un risque de cicatrices, suite aux lésions sur la cornée, et de surinfections bactériennes. Il y a un risque de cécité si la kératite n’est pas traitée.

MÉNINGO-ENCÉPHALITES

Elles sont rares, une centaine de cas par an en France. Elles peuvent survenir à tout âge, mais il y a un pic de fréquence vers 50 ans. HSV-1 est la première cause d’encéphalites virales. L’encéphalite débute brutalement par de la fièvre et des signes d’atteintes cérébrales (céphalées, troubles du comportement, aphasie, convulsions, troubles de la conscience). Elle touche des individus immunocompétents et survient généralement au cours d’une réactivation. Sans traitement, c’est une pathologie grave avec une létalité élevée ou de lourdes séquelles neuropsychiques. C’est une urgence thérapeutique à traiter le plus vite possible.

HERPÈS NÉONATAL

C’est une pathologie rare, environ 20 cas par an. Elle est due à HSV-2 dans deux tiers des cas. L’herpès néonatal est grave avec une létalité élevée (aux alentours de 50 %) et un risque de séquelles neurosensorielles. Le mode de transmission le plus courant est le contact direct avec les sécrétions génitales au moment de l’accouchement. L’herpès néonatal se présente sous trois formes : cutanéo-muqueuse, systémique et neurologique. Le nouveau-né est asymptomatique à la naissance et les signes cliniques apparaissent au bout de quelques jours.

INFECTIONS DE L’IMMUNODÉPRIMÉ

Les personnes immunodéprimées (greffe d’organes ou de cellules souches hématopoïétiques, infection par le HIV) peuvent présenter des lésions ulcératives nécrosantes extensives au niveau buccal ou au niveau génital, liées à une réactivation d’HSV. Ces lésions sont récidivantes. Le virus peut également disséminer et atteindre des organes comme le foie (hépatite herpétique) ou les poumons.

Points clés
La primo-infection par HSV est souvent asymptomatique.
La gingivostomatite est due à une primo-infection par HSV-1 et les réactivations virales vont être la cause de l’herpès labial.
L’herpès génital est causé par HSV-2 et HSV-1. Il s’agit d’éruptions vésiculeuses localisées et douloureuses. Des pathologies graves sont observées chez l’immunocompétent : atteintes oculaires de type kérato- conjonctivites, méningo-encéphalites, chez le nouveau-né : herpès néonatal et chez l’immunodéprimé : lésions extensives et atteintes viscérales.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic est clinique pour l’herpès oropharyngé. Il nécessite une confirmation virologique pour l’herpès génital et les formes graves.

DIAGNOSTIC DIRECT

Le prélèvement se fait par écouvillonnage des lésions dans le cadre de l’herpès génital ou en présence de vésicules évocatrices. Pour les autres présentations cliniques, il dépend de la symptomatologie (liquide céphalorachidien si signes neurologiques, humeur aqueuse en cas de rétinite, sang pour les formes disséminées néonatales…).
La détection du génome des HSV est réalisée en routine par PCR, et permet de différencier HSV-1 et HSV-2. Pour mémoire, il est possible de cultiver assez facilement le virus sur cultures cellulaires in vitro, avec une mise en évidence de l’effet cytopathique, et typage par immunofluorescence, mais il n’y a plus d’indication en routine.

DIAGNOSTIC INDIRECT

La recherche des IgG et des IgM contre HSV-1 ou HSV-2 peut se faire par technique immuno-enzymatique, mais il n’existe aucune indication en routine.

Points clés
Le diagnostic virologique est basé en routine sur la détection du génome viral par PCR après écouvillonnage des lésions, dans le LCR ou sur tout autre échantillon en fonction de la symptomatologie.

TRAITEMENT

La molécule antivirale la plus utilisée pour traiter les infections à HSV est l’aciclovir qui inhibe l’activité de la polymérase virale. L’aciclovir est un analogue nucléosidique de la guanosine (acycloguanosine) qui doit être triplement phosphorylé pour être actif et dont la première phosphorylation est faite par une enzyme virale appelée thymidine kinase (TK ou pUL23). Les deux autres phosphorylations sont faites par des enzymes cellulaires. L’aciclovir triphosphorylé est incorporé dans le génome viral en formation où il agit comme terminateur de chaîne. Une prodrogue consistant en un ester de valine et d’aciclovir, le valaciclovir, a été développée pour une administration par voie orale, car la biodisponibilité per os de l’aciclovir est faible. De même, le famciclovir est une prodrogue diacétylée du penciclovir. Le foscarnet, un analogue du pyrophosphate, inhibe la polymérase sans phosphorylation préalable.
Le traitement de l’herpès génital se fait par voie orale par le valaciclovir, ou le famciclovir (2 à 3 fois par jour), ou encore l’aciclovir (5 fois par jour). Le traitement de la gingivostomatite peut se faire par aciclovir en suspension buvable pour les enfants. Le traitement de l’herpès oculaire se fait avec du valaciclovir ou de l’aciclovir par voie orale ou par voie IV en cas de gravité.
Les méningo-encéphalites et les infections néonatales sont des urgences thérapeutiques et sont immédiatement traitées avec de l’aciclovir en perfusion IV.
Le foscarnet est utilisé en cas de résistance à l’aciclovir chez les patients immunodéprimés (résistance le plus souvent causée par mutation de la TK). Il s’administre par voie IV et possède une néphrotoxicité importante. Le cidofovir n’est plus commercialisé.

Points clés
L’aciclovir, un inhibiteur de l’ADN polymérase virale est actif contre HSV-1 et HSV-2. Le valaciclovir est sa prodrogue, administrable par voie orale et utilisé en priorité pour traiter les formes simples. L’aciclovir par voie IV est utilisé en première intention dans le traitement curatif des formes graves (encéphalite, herpès néonatal, infections de l’immunodéprimé). Le foscarnet est une alternative thérapeutique en cas de résistance à l’aciclovir.

PRÉVENTION

Il n’existe pas de vaccin pour prévenir l’infection par HSV. Afin de prévenir les infections récidivantes à HSV lorsqu’elles sont très fréquentes, il est possible de mettre en place un traitement prophylactique avec du valaciclovir, de l’aciclovir ou du famciclovir, notamment pour l’herpès génital (plus de 6 récidives par an) et l’herpès oculaire. Il est également possible de prévenir les récurrences à HSV chez les patients greffés à risque de réactivation en raison de l’immunodépression, toujours avec les trois mêmes molécules, mais en priorité avec le valaciclovir.