Salmonella spp

Les salmonelles sont des bactéries pathogènes responsables de salmonelloses typhiques (fièvres typhoïdes et paratyphoïdes) et non typhiques (gastro-entérites).

CARACTÉRISTIQUES BACTÉRIOLOGIQUES

TAXONOMIE

Embranchement des Proteobacteria, famille des Enterobacteriaceae, genre Salmonella. Salmonella comprend 3 espèces parmi lesquelles Salmonella enterica, dont la sous-espèce enterica comprend plusieurs milliers de sérotypes.

MORPHOLOGIE, CARACTÈRES CULTURAUX ET D’IDENTIFICATION

Bacilles à Gram négatif, mobiles le plus souvent par ciliature péritriche, non sporulés.
Les caractères généraux des salmonelles sont : oxydase négative, non exigeante, aéro-anaérobie facultatif (fermente le glucose), nitrate réductase +.
Sérotypage : détermination de la nature de l’antigène O du lipopolysaccharide (LPS) de la membrane externe et de celle de l’antigène H flagellaire.
Salmonella enterica sérotype Typhi, Salmonella enterica sérotype Paratyphi C possèdent l’antigène capsulaire Vi.

FACTEURS DE VIRULENCE

Les facteurs de virulence majeurs des salmonelles, portées par des îlots de pathogénicité (Spi1 et Spi2), sont un système de sécrétion de type III et ses protéines effectrices impliquées dans l’invasion des cellules intestinales par la bactérie et sa survie intracellulaire. Les flagelles et les fimbriæ participent à l’adhésion aux cellules hôtes. L’antigène capsulaire Vi joue un rôle dans la virulence en masquant l’antigène somatique O.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

SALMONELLOSES TYPHIQUES

Les salmonelloses typhiques sont liées au péril fécal.
Salmonella enterica sérotype Typhi est responsable de la fièvre typhoïde.
Salmonella enterica sérotypes Paratyphi A, Paratyphi B et Paratyphi C sont responsables des fièvres paratyphoïdes A, B, et C.
Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont endémiques dans les pays à ressources limitées (Afrique, Asie notamment le sous-continent indien…).
Les salmonelloses typhiques sont rares et sporadiques en France métropolitaine où la plupart des cas sont importés. La fièvre typhoïde est endémique à Mayotte et en Guyane (épidémies fréquentes).

SALMONELLOSES NON TYPHIQUES

Salmonella enterica sérotype Typhimurium et Salmonella enterica sérotype Enteritidis sont les sérotypes les plus fréquents des gastro-entérites en France. Entre 2012 et 2019, les salmonelles représentaient la cause d’environ 40 % des foyers confirmés de TIAC en France.

PHYSIOPATHOLOGIE ET MANIFESTATIONS CLINIQUES

HABITAT

Le réservoir des sérotypes Typhi et Paratyphi est strictement humain, sauf pour certaines souches de Salmonella Paratyphi B : humain et animal.
Le réservoir des salmonelles non typhiques est principalement animal (mammifères, oiseaux, reptiles…).

PHYSIOPATHOLOGIE

La transmission des salmonelles se fait par ingestion d’aliments crus contaminés (légumes et lait cru, oeufs et poudres d’oeuf, viandes, coquillages…), parfois directement d’individu à individu (manuportage, contact avec des selles de malades ou de porteurs) ou au contact d’animaux porteurs.
Les salmonelles sont des bactéries invasives des cellules épithéliales intestinales. Elles pénètrent via les cellules M, sont phagocytées par les macrophages, se multiplient et rejoignent les ganglions mésentériques. Si elles y sont détruites, l’infection reste localisée (coproculture positive et hémoculture négative). Dans le cas inverse, les salmonelles, véhiculées par la lymphe, rejoignent la circulation sanguine et sont responsables d’une bactériémie.
Dans les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, l’infection entraîne une réaction immunitaire cellulaire humorale avec la production d’anticorps dirigés contre les antigènes O et H.

PRINCIPALES MANIFESTATIONS CLINIQUES

SALMONELLOSES TYPHIQUES

Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont des infections systémiques à point de départ digestif.
Après une incubation de 1 à 3 semaines en moyenne, la maladie se caractérise par une phase d’invasion bactérienne qui s’accompagne de l’augmentation progressive de la fièvre jusqu’à 40 °C, associée à des céphalées, une insomnie, une asthénie, une anorexie et parfois des troubles digestifs. À la phase d’état, le patient présente une fièvre à 40 °C en plateau, une attitude de prostration, voire de tuphos, une insomnie. Une dissociation température/pouls est très caractéristique. Des diarrhées et des douleurs abdominales sont possibles, de même qu’une splénomégalie.

SALMONELLOSES NON TYPHIQUES

Le tableau clinique est celui d’une gastro-entérite aiguë fébrile : fièvre > à 38,5 °C, céphalées, vomissements, douleurs abdominales diffuses. Les symptômes apparaissent 12 à 24 h après la contamination. La diarrhée peut s’accompagner d’un syndrome dysentérique (ténesme, épreintes, glaire et sang dans les selles). Le risque majeur d’une salmonellose est la déshydratation. Chez les patients avec facteurs de risque (immunodéprimés), l’infection peut évoluer vers une bactériémie avec des localisations secondaires.

FACTEURS DE RISQUE

Les voyages et séjours dans un pays où la maladie est endémique, ou encore la fréquentation de zones où les conditions de salubrité sont déficientes et où l’accès à l’eau potable est limité.
Les individus à risque sont les nourrissons, les personnes âgées et les patients immunodéprimés.

Points clés
● La transmission des salmonelles se fait par ingestion d’aliments contaminés ou directement au contact de patients malades ou d’animaux porteurs.
● Les diarrhées fréquentes conduisent à une déshydratation.
● Les nourrissons, les personnes âgées ou immunodéprimées sont à risque de faire des formes sévères d’infection à salmonelles non typhiques.

DIAGNOSTIC

DIAGNOSTIC DIRECT

CULTURE ET IDENTIFICATION

Les salmonelles sont essentiellement isolées de coprocultures ou d’hémocultures.
À partir d’une coproculture, isolement de la bactérie en ensemençant les selles sur des milieux gélosés sélectifs mettant en évidence les caractères métaboliques des salmonelles. Les milieux sélectifs utilisés sont du type Hektoen, XLD (xylose lysine désoxycholate) ou SS (Salmonella-Shigella), ou gélose chromogène. Un bouillon d’enrichissement sélectif (sélénite- cystine ou au tetrathionate) suivi d’un ré-isolement sur milieu Hektoen et/ou XLD ou SS est également effectué.
Les colonies suspectes d’être des salmonelles sont des colonies translucides (lactose négatif) à centre noir (production d’H2S) (figure II.13.1).
L’identification par spectrométrie de masse (MALDI-TOF) ou à défaut par méthode biochimique permet d’arriver au niveau de la sous-espèce (en pratique le résultat donné est Salmonella sp.).
La détermination du sérotype par agglutination est essentielle dans l’identification du sérotype en cause.

Figure II.13.1 Les colonies translucides à centre noir (production d’H2S) sont des colonies de Salmonella sur milieu Hektoen (A) et XLD (B).

AUTRES MÉTHODES DE DÉTECTION

PCR syndromique dans les selles.

DIAGNOSTIC INDIRECT

Le sérodiagnostic de Widal et Félix qui détecte dans le sang la présence d’anticorps dirigés contre les antigènes O et H est peu contributif et n’est plus utilisé.

Points clés
● Isolement de la bactérie à partir d’une coproculture (dans le cas d’une gastro-entérite) ou d’une hémoculture (dans le cas d’une fièvre typhoïde ou paratyphoïde) sur milieux sélectifs.

SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES ET ANTIBIOGRAMME

La résistance aux antibiotiques est fréquente et augmente dans les régions où la fièvre typhoïde est endémique.
L’antibiogramme est nécessaire dans le cas d’un retour de voyage en Asie du Sud-Est, en raison d’une prévalence élevée de souches multirésistantes. En particulier la détermination de la CMI à la ciprofloxacine permet d’orienter le traitement.

Points clés
● Prévalence élevée de salmonelles résistantes venant d’Inde et d’Asie.

TRAITEMENT

Les molécules utilisables dans le traitement des salmonelloses sont les fluoroquinolones, la ceftriaxone et l’azithromycine. Les phénicolés et le cotrimoxazole peuvent constituer des options thérapeutiques.
Les fluoroquinolones sont les antibiotiques de choix dans le traitement des salmonelloses, compte tenu de leur bonne diffusion lymphatique, intracellulaire et de leur élimination biliaire. Néanmoins les stratégies probabilistes dépendent de la résistance élevée des salmonelles vis-à-vis des fluoroquinolones dans certaines régions du monde.

FIÈVRE TYPHOÏDE ET PARATYPHOÏDE

Dans les formes non compliquées, l’azithromycine sera utilisée en probabiliste et remplacée par l’ofloxacine ou la ciprofloxacine (durée 5 à 7 jours) si la CMI à la ciprofloxacine confirme l’absence de sensibilité diminuée ou de résistance. Dans les formes compliquées, la ceftriaxone IV sera utilisée en probabiliste et remplacée par l’ofloxacine ou la ciprofloxacine (durée 10 à 14 jours) si la CMI à la ciprofloxacine confirme l’absence de sensibilité diminuée ou de résistance.

SALMONELLOSES NON TYPHIQUES

Traitement antibiotique uniquement pour les sujets à risque (patients immunodéprimés, personnes âgées, enfant < 1 an, femmes enceintes, drépanocytaire) ou en cas d’entérocolite grave : azithromycine, ou ciprofloxacine per os ou ceftriaxone IV pendant 3 à 7 jours. Dans tous les cas, apport d’électrolytes et réhydratation orale ou en perfusion si nécessaire.

PRÉVENTION

Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes sont des maladies à déclaration obligatoire.
Les salmonelloses non typhiques sont à déclaration obligatoire dans le cas de TIAC.
Le vaccin Typhim Vi® (polysaccharide VI) protège contre la fièvre typhoïde à Salmonella enterica sérotype Typhi (l’efficacité est évaluée à 60 %). Il est recommandé aux voyageurs se rendant dans des destinations à risque.

La prophylaxie repose sur des mesures d’hygiène générale (lavage des mains) et alimentaires (recherche de salmonelles dans les aliments lactés et dans les élevages).

Points clés
● Les fièvres typhoïdes sont à déclaration obligatoire.
● Il existe un vaccin contre la fièvre typhoïde à Salmonella enterica sérotype Typhi.
● Les salmonelloses non typhiques sont à déclaration obligatoire dans le cas de TIAC.
● La prophylaxie repose sur des mesures d’hygiène générales et alimentaires.